Trop éthique pour être au net ? |
I - La philantropie sur Internet : l'essor d'une belle idéeA. Contexte général de la philanthropie dans le mondeDONATEURS ET SOMMES RECUEILLIESLes sommes investies par les populations des pays les plus riches dans l'aide humanitaires sont considérables. Il est très difficile d'en avoir une vision globale, les modes de comptabilisation étant différentes d'un pays à l'autre, et les statistiques extrêmement parcellaires. A titre d'exemple indicatif, selon l'American Association of Fundraising Counsel (AAFRC), éditrice depuis 1955 du rapport annuel Giving USA, les dons des citoyens américains aux œuvres de charité représentaient plus de 143 milliards de dollars en 1999 . Le secteur associatif emploie outre Atlantique un salarié sur 10 et représente 8% du produit intérieur brut. D'après les auteurs de Giving USA, les dons individuels représenteraient 1,8% des revenus des américains. En France, une étude réalisée pour la Fondation de France estimait en 1996 à 20 millions le nombre de donateurs, et à 54% le nombre de Français qui donnent du temps ou de l'argent à une association. Leur contribution s'élèverait à plus de 11 milliards de Francs . Une autre enquête réalisée sur la base des dons déclarés à l'administration fiscale (moins de la moitié du total des dons ) estimait le don annuel moyen par foyer à 2716 F en 1997 . Le potentiel de la philanthropie est donc considérable, et croît régulièrement sur le long terme. Il est bien entendu particulièrement sensible aux dispositions fiscales, et la France a ainsi connu une année record en 1997, suite aux nouvelles dispositions (" amendement Coluche ") favorisant le don aux personnes en difficulté. REPARTITION DES DONS PAR DOMAINE D'ACTIVITELes dons aux œuvres religieuses sont les plus importants : ils représenteraient 43% du total des dons individuels aux USA d'après Giving USA, soit plus de 81 milliards de dollars, à comparer aux maigres 5,8 milliards affectés à l'aide internationale et aux ONG environnementalistes. En France d'après Edith Archambault et Judith Boumendil , les deux postes principaux sont les dons aux églises et mouvements religieux (26%) et au secteur de la santé (23%), loin devant l'aide internationale (8,7%). B. Quelques chiffres clés concernant l'Internet1. Les internautes dans le mondeCOMBIEN SONT-ILS ?Les modes de comptabilisation diffèrent d'un institut à l'autre, selon la définition retenue : l'internaute est-il celui qui dispose d'un accès privé à l'Internet ? celui qui se connecte au moins une fois par semaine ? celui qui dispose du seul accès à une messagerie électronique... ? Nous n'entrerons pas dans le débat dans le cadre de cette étude, car seules les grandes tendances d'évolution nous intéressent ici. D'ailleurs, concernant les internautes dans le monde, les évaluations des deux principaux organismes restent relativement proches : Ils étaient environ 159 millions en février/mars 1999 d'après la NUA, 147 selon le Computer Industry Almanac . Un an plus tard (mars 2000), ce dernier organisme estimait le nombre d'internautes dans le monde à 349 millions , soit une progression de 130% ! UN ESSOR SANS PRECEDENTD'après NielsenNetRatings, les Américains reliés à l'Internet sont passés de 7% en 1995 à 37% en mai 1999. Tout indique que cette croissance exponentielle se poursuivra dans les années à venir. Comme le notait en 1998 une étude du ministère américain du commerce , la radio mit 50 ans à atteindre une audience de 50 millions de personnes, la télévision mit 13 ans avant de parvenir à ce chiffre, et... Internet, une fois ouvert au grand public, le dépassa en à peine 4 ans ! COMMERCE ELECTRONIQUELe commerce en ligne a suivi la même progression fulgurante : la librairie en ligne Amazon.com a par exemple vu son chiffre d'affaires passer de 16 à 148 millions de dollars de 1996 à 1997. Un rapport de la CNUCED publié en février 2000 estime que le commerce électronique représentera entre 10 et 25% du commerce mondial d'ici 2003, et le montant des transactions en ligne passerait de 377 milliards de dollars en 2000 à 1234 milliards en 2003 . UN " APARTHEID TECHNOLOGIQUE "Les incertitudes sur le nombre exact d'internautes dans le monde importent finalement peu en regard de la cruelle évidence soulignée par Manuel Castells : " les modalités les plus sophistiquées de la communication interactive demeureront l'apanage du segment le plus instruit et le plus aisé de la population des pays les plus riches et les plus instruits ". Si le dernier rapport du Programme des Nations-unies pour le développement (PNUD) établit à 2,4% la population mondiale d'internautes en 1999, ceux-ci n'étaient que 0,8% en Amérique latine, 0,1% en Afrique subsaharienne. Avec seulement 4,7% de la population mondiale, les pays développés abritent près du quart des internautes . A l'inverse, l'Asie du Sud-est représente plus du quart de la population mondiale et ne compte que 0,04% des connectés... L'auteur du rapport, Sakiko Fukuda-Parr, propose une taxe calculée à partir du volume des données transmises via Internet, afin d'aider le tiers monde à financer des projets de développement urgents, mais aussi à rattraper son retard numérique . Pour lui, " le développement humain dans les pays pauvres ne dépend pas seulement de l'accès à l'eau, de la sécurité alimentaire ou de l'augmentation des revenus, mais aussi de la connectivité des personnes ". Il existe donc un véritable " apartheid technologique ", dénoncé par Manuel Castells, qui fait ce cruel constat: il y a plus de lignes téléphoniques à Manhattan que dans toute l'Afrique subsaharienne... Philippe Quéau, directeur de l'information à l'Unesco, souligne qu'en Europe " certaines entreprises proposent aujourd'hui des accès gratuits à l'Internet. En Afrique, un salaire de professeur d'université permet tout juste d'acheter une heure de connexion " ... Outre l'accès au réseau, il manque aux pays du Sud une compétence technique et stratégique, ce que les américains appellent la " computer litteracy " (alphabétisation informatique), et qui exprime l'idée que la maîtrise de l'ordinateur devient aussi importante que celle de l'écrit. Conscient que le don aux organismes humanitaires a de toutes façons été l'apanage des citoyens des pays les plus riches, nous nous limiterons dans le cadre de cette étude à analyser si les donateurs - actuels ou potentiels - par le biais de l'Internet ont un profil différent des donateurs traditionnels. 2. Qui sont-ils ?PROFIL SOCIOLOGIQUE DE L'INTERNAUTELe profil actuel de l'internaute moyen est sensiblement différent de son homologue du mode " réel " : plus jeune, plus diplômé, à revenus plus élevés, et... plus masculin. Avec le développement de la toile, il est vraisemblable que cet écart s'estompera peu à peu. En France, une étude Consodata de novembre 1998 portant sur 15.500 ménages ayant affirmé leur intention de se connecter à Internet dans les 6 prochains mois a mis en évidence leur profil, comparé à celui des 8 millions de Français qui composent la base de données consumériste de l'institut. L'internaute de demain appartient aux CSP+ (cadres, enseignants, professions libérales), il est plus urbain que son homologue non connecté, consomme davantage (notamment des loisirs et des voyages), ses revenus sont plus élevés, et... il donne davantage pour les causes humanitaires. COMPORTEMENT DES INTERNAUTESAu cours des dernières années, les études se sont multipliées sur le cybermonde, comme celles du " webologue " Bernardo Huberman, patron du Palo Alto Research Center . Avec son équipe, ce dernier a " capturé " au sein d'un superserveur aux fins d'analyse un important fragment des pages présentes sur le net : 3 terabytes (3 000 milliards de signes) sur les 13 que compterait aujourd'hui le réseau des réseaux. D'après lui, les régularités sont très importantes et permettent de dégager des lois comme celle du " surfing ", qui permet de prédire combien de temps un internaute passera en moyenne sur le site auquel il accède. En mai 1998, Huberman a démontré que les marchés du cybermonde obéissent à la loi du " tout ou gagnant " : 0,1% des sites attirent plus de 32% du trafic, et 1% des sites les plus fréquentés captent 55% des internautes. Un phénomène qu'il a appelé " l'effet Titanic " : " les gens vont voir ce film parce que c'est le film que vont voir le plus de gens "... Un constat que devront nécessairement prendre en compte les ONG qui se lancent à l'assaut du net... C. Résultats chiffrés de la philanthropie sur Internet1. Quels montants ont été effectivement collectés sur le net ?PREMIERS SUCCESLa collecte de fonds sur Internet est encore balbutiante, et ne représente à l'heure actuelle qu'une part infinitésimale de la générosité publique. Si aucune étude n'a été réalisée sur le sujet à ce jour, les résultats fragmentaires donnés par les grandes ONG qui collectent des fonds en ligne permettent toutefois de donner un ordre de grandeur. Ainsi CARE affiche 600.000$ récoltés en ligne en 1999 (dont 150.000$ en une seule semaine pendant la crise des Balkans), soit à peine 1% des 63 millions de dollars de dons privés reçus par l'association . Le Comité international de la Croix-Rouge a reçu plus d'1,2 million de dollars au cours du premier semestre 1999, pendant la crise des Balkans. Ces fonds étant spécialement affectés aux secours pour le Kosovo en guerre . La Croix-Rouge américaine, qui figure parmi les ONG les plus en pointe pour la collecte de fonds sur l'Internet, a collecté 2,3 millions de dollars (grâce à 9700 donateurs) la même année, soit une hausse de plus de 1000% par rapport à 1998... . Les dons en ligne ne représentent pourtant qu'environ 0,2% du total des dons, qui, avec 817 millions de dollars n'entrent eux-mêmes qu'à hauteur de 34% dans les sources de revenus de l'association ... The Heifer Project a réuni plus d'un million de dollars en 1999 (6 fois plus qu'en 1998), suite à une campagne de dons en ligne très agressive, créée par l'agence conseil AppNet. The American Cancer Society aurait triplé sa collecte de fonds privés depuis sa mise sur le réseau des réseau. Même à un niveau local, le recours à l'Internet peut s'avérer très efficace : en octobre 1999, la radio locale américaine WAMU (Washington D.C.) lança une campagne de dons en ligne nommée " Cybermonday ", qui collecta en deux jours 300.000$ grâce à 4600 donateurs, sur la seule ville de Washington . Ces réussites sont toutefois extrêmement rares, et généralement annoncées à grand renfort de communiqués de presse et déclarations tapageuses... D'après une estimation réalisée par l'agence américaine Craver, Matthews, Smith & Co ., sur 100$ de dons collectés aux Etats-Unis, seuls 14 cents (0,14%) ont été collectés sur Internet. Les mêmes auteurs estiment à 3,5 millions le nombre de donateurs sur Internet, et à 55$ (environ 400FF) leur don moyen, soit 192 millions de dollars de " cyber-dons " aux USA en 1999. Cette estimation est extrêmement plausible, d'autant qu'elle épouse les grandes tendances du commerce électronique, et que l'expérience a montré que le secteur philanthropique suivait avec un léger décalage l'évolution des comportements repérables dans la sphère commerciale (par exemple en ce qui concerne l'utilisation des cartes bancaires). Une étude du ministère du Commerce américain estime à 5 milliards de dollars le commerce en ligne au 4e trimestre 1999, soit 0,6% du total des ventes de détail pour la même période . Les Etats-Unis, mais aussi l'Australie ou le Royaume-Uni sont incontestablement très en avance dans la collecte de fonds par le Web, mais le mouvement gagne peu à peu le vieux continent, et il est probable que des expériences aujourd'hui pilotes se généraliseront demain. Comme le souligne Franck Deleau, directeur marketing de WWF France, " les associations n'emploient pas l'Internet comme un outil, mais comme une possibilité, encore accessoire, de collecte " . RESULTATS EN FRANCEEn France, sur les 10 principales associations caritatives collectant des dons auprès des particuliers, une seule ne disposait pas au début 2000 de site Internet (le Secours catholique - c'est aujourd'hui chose faite). Mais seuls 6 sites sur 10 autorisaient à cette date le don en ligne, les 4 autres se contentant d'informer en ligne les donateurs sur les modalités possibles de don (courrier, téléphone...). Cette absence du don en ligne peut se justifier par différents mobiles : - La structure du budget de l'association : ainsi l'Association des Paralysés de France ne dépend que pour 8% de la générosité du public, son budget étant financé à plus de 65% par l'Etat. - L'existence d'un réseau très solide de bénévoles assurant l'essentiel de la collecte, par des voies traditionnelles : c'est le cas du Secours Catholique. - La nature des contributions du public : pour la Ligue Nationale contre le Cancer, les dons ne représentent qu'une faible part des ressources, loin derrière... les legs. Certaines associations - tel le Secours Catholique - invoquent " l'esprit maison " et une réticence globale envers les nouvelles technologies, d'autres - Les Restaurants du Coeur - des doutes quant à la sécurité des transactions sur Internet. D'autres, tel Handicap International, ont entamé une réflexion sur la possibilité d'introduire le don en ligne. . L'Association pour Recherche contre le Cancer met quant à elle la dernière main à la nouvelle version de son site, qui autorisera le don en ligne dès octobre 2000. Pour les associations qui disposent dès à présent d'un module de donation en ligne, les résultats sont extrêmement variables. Au cours du Téléthon organisé par l'Association Française contre la Myopathie en décembre 1999, plus de 2,7 millions de Francs de dons ou promesses de dons ont été enregistrés sur le site Internet de l'association . Ce succès - outre la forte médiatisation nationale dont bénéficie chaque année cette opération - est dû à une solution logicielle développée par Pictime : 365 " Webtirelires " disséminées sur différents sites, et permettant d'accéder d'un simple clic au module de don en ligne du Téléthon . La responsable du site, Alexandra Ardoin, vise 6 millions de dons collectés par le net pour le Téléthon 2000, notamment en élargissant la diffusion de l'opération vers les communautés francophones . Le cas du Téléthon est d'ailleurs particulier, puisque la collecte de fonds y est pensé comme un événement unique (les " 30 heures " de télévision), sans relance ultérieure des donateurs. Internet pourrait permettre d'étendre la cible traditionnelle de l'opération (plutôt féminine, populaire et âgée), à d'autres prospects, mais l'association ne dispose pas actuellement des outils informatiques (assez coûteux) qui lui permettrait de mieux identifier ses donateurs sur le web, et d'adapter sa communication en conséquence. Au Comité français de l'Unicef, le module de don en ligne créé fin 1999 n'a pas enregistré, d'après Philippe Herzog, responsable de la promotion et des partenariats , de résultats significatifs (des " pics " ont été enregistrés lors notamment de la famine en Ethiopie). Au printemps 2000 a été mis en place une série de liens vers des sites d'e-commerce reversant une commission à l'Unicef (de l'ordre de 4 à 10%) sur le montant des achats en ligne des internautes redirigés par ce biais. Le trafic sur le site Unicef étant assez faible, les résultats ne sont pas très importants, mais cette expérience permet à l'ONG de nouer des contacts utiles avec ces entreprises, en vue de partenariats éventuels. La nouvelle version du site sera mise en ligne début octobre 2000, avec en complément des outils informatiques permettant d'évaluer les résultats des partenariats, en repérant quel site a dirigé les cyberdonateurs vers le module de don de l'Unicef. La Croix-Rouge française a créé son site en juin 1998. Le don en ligne a été mis en place en avril 1999, à l'occasion de la crise du Kosovo, et a permis de collecter 170.000 F pour l'aide aux réfugiés kosovars, grâce notamment à un partenariat avec Wanadoo (sur 1 mois et demi). D'autres possibilités d'affectation des dons ont été mises en place depuis, et au total 430.000 F ont été collectés en ligne en 1999, ce qui ne représente qu'une faible part du total des dons reçus par l'Association . La forte notoriété dont bénéficie la Croix-Rouge lui permet d'attirer sur son site près de 15.000 visiteurs par mois, qui arrivent principalement par le biais des moteurs de recherche. D'après Agnès Lesage, nouvelle webmestre du site , la Croix-Rouge réfléchit actuellement aux moyens de développer le trafic (demande d'espaces gratuits aux sites-portails, mini-sites créés en partenariat pour des campagnes spécifiques, " kits de connexion " en partenariat avec des fournisseurs d'accès...), et de développer les sources de financement en ligne (programmes d'affiliation avec des sites de commerce électronique notamment). Médecins sans Frontières a entamé très tôt sa réflexion stratégique sur l'utilisation du potentiel de l'Internet, notamment concernant la collecte de fonds. Le site MSF autorisa dès avril 1999 la possibilité de dons en ligne par carte bancaire, et collecta 200.000 F (soit 0,12% du total des dons collectés par MSF auprès des particuliers) jusqu'à ce qu'un problème technique rende cette fonction indisponible en mai 2000 . A cette somme s'ajoutent les retombées de l'opération " 1 Franc par jour ", lancée en novembre 1999 sur un site spécifique : il s'agissait d'inviter les internautes à donner " 1 Franc par jour, soit 2 repas médicalisés ", c'est à dire en fait 30 F par mois pendant un an. En juillet 2000, 362 personnes (sur 641 formulaires remplis) avaient confirmé leur promesse de don, ce qui correspond à environ 180.000 F de dons réguliers sur l'année. Pendant la période active de promotion de ce site satellite sur le Net (du 11 novembre au 31 décembre 1999), il a enregistré près de 11.500 visiteurs, et a généré 465 promesses, soit un taux de transformation visites/promesses très honorable, de l'ordre de 4%. Enfin, MSF a développé une série de partenariats avec des entreprises du Net, dans un climat rendu très favorable par l'attribution du Prix Nobel à l'ONG en 1999 : - La vente aux enchères d'objets offerts par les invités de l'émission " Nulle Part Ailleurs " sur Yahoo en décembre 1999 a rapporté 500.000 F. - Un partenariat avec le site d'achat groupé Clust.com a permis l'achat d'un kit nutritionnel de 10.000 F - Le site de fidélisation Maximiles.com permet aux internautes d'offrir à MSF l'équivalent monétaire des points-cadeaux qu'ils accumulent sur ce site. Médecins du Monde (MDM) ne dispose d'un module de don en ligne que depuis mars 2000. En 1999, la possibilité offerte aux internautes d'imprimer en ligne un formulaire de don et de le renvoyer par courrier avait généré environ 150.000 F de rentrées. MDM est en pleine réflexion stratégique sur la façon de mettre à profit le potentiel de l'Internet, et sur les moyens à investir pour la promotion du site. D'après François Jung-Rozenfarb, responsable de la promotion et des partenariats , les offres de partenariats émanant d'entreprises du Net abondent depuis plusieurs mois, et l'ONG n'a en somme qu'à les choisir en fonction de sa stratégie. MDM a d'ailleurs engagé plusieurs opérations " tests " dans ce sens : - Partenariat avec le site de fidélisation Webmiles.fr, qui permet aux internautes d'offrir à MDM l'équivalent monétaire des points gagnés en achetant en ligne sur ce site, ou en répondant à des questionnaires . - Partenariat avec Ciao.com, qui offre la possibilité aux internautes de donner à MDM les sommes offertes par ce site en échange de leurs votes et avis sur différents produits et services.Il est trop tôt pour évaluer les résultats de ces opérations, lancées en juin 2000. Ensemble contre le Sida (ECS), organisateur du Sidaction, a créé son site sur Internet fin 1997, dans un contexte marqué par la baisse des résultats du Sidaction 96 (64 millions collectés en 1996 contre 300 en 1994), et les débuts d'un effort de marketing direct visant à élargir la base des donateurs de cette association . La problématique d'ECS était alors de trouver des sources alternatives de financement, remédier à la grande volatilité des donateurs " télé ", beaucoup plus difficiles à fidéliser que les donateurs traditionnels du marketing direct, et trouver par ailleurs d'autres catégories de prospects que le " cœur de cible ", plutôt âgé, féminin et populaire. Les résultats du don en ligne sont à ce jour modestes. A titre d'exemple, l'opération " 48 h pour un vaccin ", lancée en juin 99 en partenariat avec TF1 (qui monta un micro-site au sein de TF1.fr pour l'occasion, avec forums, clips et vidéos) et Cegetel, a permis 350 dons sur Internet... contre 68.000 dons par téléphone. En dehors du Sidaction ou des opérations spéciales comme " 48 heures ", le trafic sur le site est modéré, mais croît régulièrement. D'après Jon Duschinsky, responsable du marketing direct, ECS étudie actuellement les moyens de développer et fidéliser sa base de donateurs sur le Net, le type de produits à leur proposer (le nouveau CD " Noël Ensemble " sera ainsi vendu en ligne à la fin 2000), et les différents axes de partenariats à privilégier.
2. Le don moyen est-il plus élevé sur Internet ?Il est extrêmement difficile d'obtenir des résultats chiffrés concernant la fréquence des dons, le don moyen en ligne, les minimums et maximums reçus. D'après Sandra Stewart, spécialiste américaine de la collecte de fonds en ligne, le don moyen en ligne aux Etats-Unis serait environ 10 à 15% plus élevé que le don hors ligne. La Croix-Rouge américaine indique un don moyen en ligne de 127$, soit sensiblement plus que le don effectué par d'autres moyens. En France, la plupart des responsables d'ONG pointent un don moyen en ligne nettement supérieur au don traditionnel par marketing direct postal, qui est de l'ordre de 200 à 250 F pour presque toutes les organisations :
La Croix-Rouge française enregistre un don moyen plus élevé en ligne, mais son formulaire de don ne propose que 3 montants : 200 F / 300 F / 500 F. Ensemble contre le Sida (Sidaction) constate également un écart significatif en faveur du don en ligne, par rapport au don postal ou téléphonique. Il est probable par ailleurs que pour toutes les organisations l'écart tende à se réduire au fur et à mesure de la démocratisation de l'accès à l'Internet, puisqu'aussi bien les CSP+ y sont pour l'heure nettement sur-représentées. Médecins du Monde a ainsi enregistré pour 2000 un léger tassement du don moyen (560F). D. Un public potentiel immense, largement inexploité1. Les internautes : un vivier de donateurs potentielsL'enquête réalisée par The Mellman Group en juillet 1999, montre que l'Internet permettrait d'élargir sensiblement la base habituelle des donateurs actuellement joints par le marketing direct, estimée à environ 12 millions de personnes aux Etats-unis. D'après The Mellman Group (TMG), 25% des sondés disposant d'un accès à l'Internet donnent du temps ou de l'argent à des causes sociales ou humanitaires. Ce pourcentage, extrapolé à l'ensemble de la population, représenterait donc un vivier de donateurs en ligne potentiels d'environ 50 millions d'américains, soit le quart de la population adulte... Certes, seulement 8% des personnes interrogées déclarent vouloir donner de l'argent à une cause par le biais d'Internet (soit seulement 16 millions de personnes, en extrapolant). Mais nous verrons qu'une première implication sous forme de bénévolat est une des voies courantes qui conduisent par la suite à faire un don. 2. Profil des internautes " socialement engagés "The Mellman group définit comme internautes " socialement engagés " ceux qui ont donné de leur temps ou de leur argent dans les deux dernières années à des organisations agissant dans le domaine social, environnemental ou humanitaire (droits de l'homme, lutte contre la pauvreté, droits civiques, protection des animaux...). Là où 64% des donateurs et bénévoles habituellement touchés par le marketing direct ont plus de 60 ans (avec une moyenne de 66 ans), TMG situe 85% des internautes socialement engagés en dessous de 60 ans (avec une moyenne de 42 ans). Par ailleurs, les internautes socialement engagés se partagent également entre démocrates (39%) et républicains (41%), alors que 60% des donateurs non connectés se déclarent démocrates, et seulement 19% républicains. Ces chiffres confirment une étude plus ancienne de The Mellman Group (1995), d'après laquelle 74% des donateurs contactés par marketing direct se déclaraient " libéraux ", là où les internautes socialement engagés se partageaient également entre " libéraux " (43%) et " conservateurs " (44%). Autrement dit, Internet permet de toucher une cible potentielle que le marketing direct ne parvient pas à séduire : plus jeune , et n'appartenant pas nécessairement à l'univers traditionnel " de gauche " des associations caritatives, sociales ou humanitaires : une génération post " baby-boom ", dont la philosophie du don pourrait bien reposer sur d'autres ressorts que ceux de la génération précédente : leur rapport aux ONG sera probablement moins affectif et plus rationnel, moins idéologique et plus pragmatique... Une étude australienne de 1997, The Face-to-face Omnibus Report , relève que parmi la masse des donateurs, 50% donnent sur la base de dons réguliers à des causes pré-sélectionnées. 44% sont des " donateurs passifs ", répondant ponctuellement à des sollicitations via marketing direct. Parmi les jeunes (18-24 ans), le nombre de donateurs réguliers est sensiblement plus faible (41%). La réactivité de l'Internet et la possibilité de relance par e-mail et lettres électroniques de diffusion pour un coût modique, semblent donc particulièrement appropriées pour séduire et tenter de fidéliser ces " nouveaux donateurs ", desquels dépendra la viabilité des ONG à l'avenir. 3. Un potentiel encore largement inexploitéUne des grandes surprises de l'étude TMG vient de ce que les " internautes socialement engagés " utilisent très peu le potentiel d'Internet pour favoriser la cause qu'ils soutiennent :
Bien sûr, pour ces " activistes ", Internet n'est qu'un moyen parmi d'autres de contribuer à la cause qu'ils soutiennent : ainsi, 49% ont déjà envoyé une communication ou pétition à leurs représentants élus par fax, téléphone, ou courrier postal, mais seulement 33% l'ont fait par courrier électronique. Et si 80% déclarent avoir effectué un don par les voies traditionnelles, ils ne sont que 7% à l'avoir fait directement en ligne. En fait, 66% s'estiment peu ou pas informés des possibilités offertes dans ce domaine par Internet. Le réseau reste principalement vu comme un outil de communication (37%) et d'information (27%), permettant de faire plus rapidement ce qui était fait précédemment par d'autres moyens. Seuls 5% des sondés voient en Internet le moyen de se connecter à un plus grand nombre de gens. 4. Habitudes comportementales des internautes socialement engagésPour reprendre une expression de l'étude TMG, " Hunting is more frequent than surfing " : plus de la moitié (59%) des internautes socialement engagés se connectent à Internet pour accéder à un site spécifique, et trouver une réponse tout aussi spécifique à leurs questions... Seuls 39% déclarent passer un peu de temps (au moins une fois par semaine) à explorer le réseau sans destination pré-établie en tête. 20% déclarent en revanche ne jamais " surfer ". Dans trois cas, les résultats diffèrent sensiblement entre sites humanitaires et tous sites confondus : il s'agit des liens dans les messages électroniques (18% des sondés déclarent découvrir les sites humanitaires par ce moyen, contre 11% pour l'ensemble des sites), des bannières publicitaires (14% contre 11%), et des informations émanant des sponsors (11% contre 5%). Par rapports aux moyens habituels de faire connaître et générer du trafic sur un site Web, il semble donc y avoir là une spécificité des sites humanitaires sur laquelle nous reviendrons. En résumé, Internet semble donc promettre aux associations caritatives un très large public potentiel, ainsi que l'accès à une cible, plus jeune et moins ancrée à gauche, que le marketing direct par voie postale ne parvenaient pas à séduire. Pour attirer du trafic sur leurs sites, ces associations devront déployer d'importants moyens, parmi lesquels le bouche-à-oreille, la publicité hors-ligne et les relations presse semblent les plus opérants. E. Les ONG et les nouvelles technologies de communication1. Prudence ou retard des ONG dans l'adoption des NTIC ?Les associations et ONG ont avancé prudemment sur la voie des nouvelles technologies et spécialement de l'Internet : beaucoup n'ont actuellement pas de site, ou bien un site aux fonctionnalités réduites, simple " brochure en ligne ", aux pages arides. Et bien sûr pas de don en ligne ! Par manque de temps et d'expertise technique, mais aussi parce qu'elles ne croient pas toutes aux potentialités de ce nouveau vecteur de don. Celles qui ont fait ce pari n'ont d'ailleurs pas mis toutes les chances de leur côté, en négligeant le nécessaire effort de promotion du don en ligne : faute de personnel spécialement dédié à la création de trafic sur ces pages, même les organisations les plus connues ne peuvent espérer de résultats financiers probants. En fait, explique Jeff Hallett, responsable d'AppNet, agence de création de sites Web pour les organisations non-lucratives, " c'est la même chose que dans tout autre secteur arrivé à maturité, il y a toute une série d'entités importantes et sophistiquées qui savent parfaitement bien se servir des nouvelles technologies ". Mais à en croire The National Strategy for Nonprofit Technology , ces entités sont minoritaires, et le gros des associations américaines étudiées par ce groupe de travail pendant un an sont familières du téléphone et du fax mais absolument pas des bases de données informatisées, du courrier électronique ou des sites Internet. Selon les membres du groupe, cette situation est due à " un manque de connaissance, une forte fragmentation, un esprit de chapelle, des investissements inadéquats, et un manque de stratégie ". Un retard surprenant lorsqu'on sait qu'aux Etats-Unis le secteur associatif emploie un salarié sur 10 et représente 8% du produit intérieur brut, soit près de 1,3 milliards de dollars . Parmi les recommandations du groupe de travail de la NSNT figurent : la création d'un portail spécialisé dans les ressources technologiques pour le secteur caritatif et des outils pratiques d'échanges technologiques, en lien avec les fabricants de logiciels, soucieux de s'assurer que leurs dons en programmes informatiques sont utilement utilisés. Une sorte d'audit disponible en ligne permet dès à présent aux ONG de faire un bilan de leur utilisation des NTIC, en les orientant le cas échéant vers des ressources supplémentaires, disponibles sur le web. L'enjeu est d'éviter un gaspillage de ressources grâce à un meilleur partage d'expériences entre les ONG . 2. L'Internet : un nouvel eldorado pour les ONG ?Car la richesse promise par l'Internet aux associations caritatives semble inépuisable. Nous tenterons ici en quelques point de donner un aperçu de ce formidable potentiel de développement, dont de nombreux aspects concernent notre sujet. VISIBILITEEn premier lieu bien sûr, le réseau permet aux ONG d'améliorer leur visibilité, de faire connaître leurs actions, projets et besoins à un public étendu et pour un coût relativement modeste. Créer un site sera pour une ONG l'opportunité de disposer d'une vitrine ouverte 24h sur 24, d'être repérée par mots-clefs grâce aux puissants moteurs de recherche utilisés par les internautes sur le Web (champ d'action, lieux d'intervention, etc.), de nouer enfin des partenariats avec des sites à fort trafic pour faire connaître ses actions et ses buts. Certes, nous verrons que cette visibilité est loin d'être acquise par la seule présence d'une ONG sur le Web, mais nécessite au contraire d'importants efforts : elle reste cependant accessible, même à de petites structures, si elles savent utiliser la souplesse du réseau, sa réactivité, et son potentiel d'interconnexion par thèmes, mots-clefs et liens. INFORMER A MOINDRE COUTC'est ensuite la possibilité d'informer ses membres, sympathisants et prospects de façon rapide, et bien moins coûteuse que par mailing, téléphone ou fax. L'information mise en ligne pouvant de plus être stockée sur l'ordinateur des bénévoles et réutilisée, démultipliée : les tracts, " kits-presse " et autre matériel pédagogique ou informatif devenant ainsi des outils autonomes que les bénévoles s'approprient. Un intérêt non négligeable pour des organisations souvent critiquées dans le passé pour leurs budgets de communication dispendieux... UN LIEN DIRECT ENTRE SAVOIR ET AGIRInternet offre ensuite un lien immédiat entre l'information et l'action : il permet à l'internaute de s'informer sur un sujet d'ordre social, environnemental, humanitaire... et, dans le même temps, d'agir au profit de la cause sur laquelle il est informé. Un des exemple les plus frappants de ce potentiel est celui de l'Environmental Defense Fund (EDF) : cette association écologiste a créé un site web sur lequel les internautes américains peuvent saisir le code postal de leur ville de résidence, et être immédiatement informés sur la qualité de l'air qu'ils respirent... Libre à eux ensuite d'agir, en cliquant par exemple pour envoyer un e-mail de protestation aux principaux pollueurs de leur comté, ou aux responsables gouvernementaux, dûment répertoriés... Les visiteurs du site peuvent également recevoir des e-mails gratuits les informant des actions en cours concernant leur lieu de résidence, en s'inscrivant dans une liste de diffusion. Ou bien échanger des informations avec d'autres internautes grâce à des forums de discussion en ligne. Sans oublier, bien entendu, d'adhérer à l'association qui lutte si vaillamment pour leur droit à respirer un air plus pur, ou de lui faire une généreuse donation en ligne, par paiement sécurisé... DES INFORMATIONS CIBLEES, ULTRA-PERSONNALISEESOutre une information générale, accessible à peu de frais, Internet permet donc de délivrer une information personnalisée, proche des attentes des internautes. Dans l'année qui a suivi son lancement en 1998, le site de l'EDF a reçu près de 2 millions de visiteurs . Un des points les plus intéressants est que près de 80% de ces visiteurs n'avaient jamais entendu parler de l'association EDF auparavant. " Internet nous donne la possibilité d'atteindre de nouveaux publics, et de délivrer une information géographiquement précise pour impliquer ces publics dans notre organisation ", constate Bill Pease, Directeur des projets Internet de l'EDF. Les résultats ne se sont d'ailleurs pas fait attendre : l'industrie de la chimie, accusée par le site de l'EDF de relâcher dans l'atmosphère des toxines sans se soucier de leur impact sur la santé publique, a promptement réagi en mettant en place un programme de test de ces toxines... Si la plupart des associations et ONG se sont contentées dans un premier temps de mettre en ligne de façon statique leurs documents imprimés, beaucoup sont aujourd'hui passées à des contenus interactifs, ciblés, adaptables selon les attentes des internautes. Un des sites les plus remarquables est celui du World Wildlife Fund, plusieurs fois primé, qui présente des informations interactives en 3 langues, présentant en plus de 15.000 pages l'ensemble des actions passées et présentes de l'association, et ses 2000 projets en cours dans 116 pays. REACTIVITEL'atout principal de l'Internet est la rapidité avec laquelle les internautes peuvent réagir à une situation nouvelle : désastre humanitaire (Guerre du Kosovo, Ethiopie...) ou écologique (cyclone Mitch, inondations au Venezuela, pollution de l'Erika , tempête de décembre en France...). Deux jours après le séisme qui a ravagé Taïwan, un américain d'origine taïwanaise mettait en ligne un site avec liste des victimes, informations, forum de discussion et adresses pour les dons en ligne . Lors de l'ouragan Mitch, qui dévasta l'Amérique centrale, la solidarité des internautes américains se manifesta avec une ampleur et une rapidité jusqu'alors inconnue : le site de l'ONG CARE doubla le nombre de visiteurs sur son site, et collecta plus de 10.000$ par jour . " La présence en ligne que nous avons pu assurer a changé profondément la façon dont nous envisagions le web comme moyen de collecter des fonds et rester en contact avec les donateurs potentiels " affirme Katie Campbell, Webmestre de CARE Canada. Non seulement le nombre de donateurs a augmenté, mais également le montant moyen des dons, 220$ en moyenne pour Care USA, 108$ pour la Croix-Rouge américaine. Les internautes purent ainsi manifester leur solidarité de façon simple et immédiate, devant leur ordinateur, et leurs dons étaient disponibles pour aider les secours sur le terrain en moins de 24 heures. " Les donateurs qui se sont manifestés lors du cyclone Mitch représentaient une base de donateurs entièrement nouvelle pour nous ", précise Katie Campbell, plus jeune, familiarisée avec les nouvelles technologies et le commerce électronique. L'enjeu sera dès lors de transformer ces nouveaux contacts, attirés sur le site par un désastre médiatisé en visiteurs et donateurs réguliers, en leur fournissant des informations accessibles sur les différentes actions de l'ONG, ses besoins et les possibilité de s'engager localement. Nous reviendrons dans la dernière partie sur les moyens de fidéliser cette audience nouvelle. En France, diverses opérations menées à la suite de la tempête de décembre 1999 ont remporté un vif succès. L'opération " 1 mail = 1 franc " menée conjointement par France 3 et RTL a ainsi réuni près de 50.000 internautes. La réactivité de l'Internet permet donc de solliciter rapidement la générosité des internautes, avec toutefois le risque de parvenir à un effet de " Yo-Yo " dans la collecte de fonds, en fonction des urgences affichées et des soutiens médiatiques. Ou encore de susciter des campagnes éphémères avec des associations créées pour l'occasion, dont les donateurs n'auraient pas le recul suffisant pour juger de la déontologie ou de l'efficacité réelle. IMPLICATIONS RELATIVES A L'ORGANISATIONNous l'évoquerons brièvement ici, car ce champ dépasse largement les limites de notre sujet, mais il est notable que l'utilisation de l'Internet (suivant en cela des phénomènes observés dans le monde de l'entreprise) a de fortes répercussion sur l'organisation même des ONG et leur manière de travailler : traditionnellement, le centre de l'ONG (des permanents) et sa périphérie (des bénévoles) entretiennent des relations conflictuelles, dans lesquelles l'information est un enjeu de pouvoir. Avec la possibilité pour la périphérie d'accéder facilement à l'information (mailing-lists, forums, intranets...), l'implication des bénévoles et la réceptivité des instances dirigeantes à leurs suggestions peuvent être grandement facilitées. La prise de décision pourra se faire par étapes, d'abord discutée au sein d'une liste de diffusion - évitant ainsi, pour les ONG internationales, de coûteux déplacements -, puis, si le consensus ne peut être atteint, au cours d'une réunion " physique ", dont les participants seront alors mieux informés et préparés, disposant par le réseau des premiers éléments de synthèse acquis. L'Internet pourra enfin être utilisé comme outil de formation des bénévoles, avec une Foire Aux Questions pour les débutants, des forums par thèmes pour les plus impliqués, et des sessions de cours en ligne permettant de faire face pour un coût raisonnable à l'important turn-over observable dans l'univers associatif. Les volontaires pourront dès lors choisir leur degré d'implication : recevoir des informations par e-mail, participer à des réflexions par thème sur un forum, donner, ou encore participer bénévolement, par exemple en traduisant des textes via le réseau. UNE NOUVELLE TRANSPARENCEOutre informer et impliquer les sympathisants des ONG, le Web permet aussi à celles-ci de rendre compte des actions entreprises, et des moyens déployés, y compris les informations financières et le détail de l'utilisation des fonds. Greenpeace ou Care mettent ainsi en ligne leur rapport annuel, qu'il serait impossible financièrement d'adresser à chacun de leurs adhérents. Pour chaque projet de l'ONG, les donateurs pourront de plus avoir accès à des photos, voire des vidéos prises sur le terrain, leur donnant une idée plus palpable de l'emploi fait de leurs dons. IMPLICATION ET INTERACTIVITE ENTRE LES DONATEURS ET LES ASSOCIATIONSAu lieu de faire comme par le passé un don général " à la Croix-Rouge " ou " au Secours Catholique ", les donateurs peuvent désormais choisir préalablement le programme, thème, ou pays qu'ils souhaitent soutenir. De nombreuses ONG proposent sur leur site le choix entre plusieurs " urgences " ou projets. La Croix-Rouge française permet aux donateurs d'opter pour " les victimes des inondations au Venezuela ", de la " famine en Ethiopie ", ou des " tempêtes en France ". Care propose aux internautes un choix au sein d'une liste de 6 pays " prioritaires ". Les capacités technologiques de l'Internet autorisent enfin des formes de don jusqu'alors inédites : de nombreux sites (Oxfam, Care, Accion) proposent ainsi de donner les " miles aériens " acquis par les internautes grâce aux programmes de fidélisation des compagnies aériennes. Ces " miles " servant ensuite au transport des bénévoles des ONG bénéficiaires. En conclusion, c'est donc une charité nouvelle, " sur-mesure ", qui se profile, rapide et réactive, interactive, et plus transparente dans l'utilisation des fonds. A en croire l'étude déjà citée, réalisée par TMG pour Craver, Matthews, Smith & Co, cette charité électronique a tout pour séduire les internautes socialement engagés. A la question " Que doivent faire les ONG pour maintenir la loyauté et le soutien de gens tels que vous ? " :
F. Un contexte favorable : l'exigence éthique des consommateurs" Là, sur des oreillers d'étiquettes d'éthiques,
1. La vogue du commerce éthiqueLes ONG sont parvenues à un stade charnière de leur histoire, où elles disposent à la fois d'un savoir-faire relationnel, et d'un contexte extrêmement favorable, marqué par un renouveau de l'exigence éthique, qui leur attire tout à la fois les faveurs du public et la sollicitude des grandes entreprises, soucieuses de donner à leurs affaires une façade morale. On ne compte plus ces dernières années les initiatives visant à donner une autre image du commerce mondial : qu'il s'agisse de " Tourism for development ", proposant la création d'une taxe sur les voyages touristiques afin de venir en aide au tiers monde , des fonds de placement éthiques , qui n'investissent que dans des entreprises respectueuses des droits de l'homme et de l'environnement, ou encore de l'essor récent du " commerce équitable " , visant à garantir aux producteurs du tiers-monde un prix plus juste pour les marchandises qu'ils produisent . CONSOMMATION " ENGAGEE "Les " produits-citoyens " (offrant des garanties quant à l'origine et les conditions dans lesquelles ils ont été produits) ont vite été rejoints par ce que les professionnels appellent les " produits-partage ", qui sont des articles ordinaires dont une partie du prix de vente est reversée à une cause, par le fabricant ou par le consommateur à travers le renvoi d'un coupon. Ces opérations étant généralement temporaires. Une des plus connues est le " sac à sapin ", dont 10F prélevés sur le prix de vente servent à soutenir l'action d'Handicap International contre les mines anti-personnel, mais les opérations se sont multipliées ces derniers temps, au risque de lasser les acheteurs. D'après une étude du CREDOC, la part des consommateurs qui se disent incités à acheter un produit dont le fabricant soutient une cause humanitaire est passée de 40% en 1992 à 54% en 1995. Ils étaient 63% en 1997 selon la Fondation de France, et la tendance ne fait que s'amplifier . Elle séduit tout particulièrement les jeunes, qui seraient près de 75% (de la tranche d'âge 18-24 ans) à se laisser convaincre par les produits partage . Cette démarche reste assez volontaire en Europe, alors qu'aux Etats-Unis, elle a été fortement développée par l'action de lobbies qui font pression sur les entreprises " éthiquement incorrectes ". Le guide " Shopping for a better world ", publié à près d'un million d'exemplaires, se charge ainsi de dresser la liste noire des entreprises récalcitrantes, avec campagnes de boycott et retrait brutal d'actionnaires à la clef. Tout ce mouvement participe à la création chez les occidentaux du sentiment qu'ils peuvent agir à leur propre niveau pour faire changer les choses, par un effet de masse . Nous verrons que ce sentiment est lourd d'implications concernant les récents développements de la philanthropie sur Internet. 2. Les bonnes causes font-elles les bonnes affaires ?Dans le climat occidental où les consommateurs s'affirment de plus en plus soucieux du respect de l'homme et de la nature, la caution humanitaire et le soutien à une ONG deviennent donc terriblement attractifs pour les entreprises, qui se pressent désormais dans les bureaux des ONG pour leur proposer partenariats et opérations communes... LA RECHERCHE DU " GOODWILL "Avec en premier lieu la capacité à générer cet insaisissable "goodwill ", ou climat d'empathie, en associant sa marque à une bonne cause... Si les ONG et associations ne disposent pas des mêmes ressources techniques et financières que le secteur commercial, elles ont par définition ce que celui-ci recherche ardemment à construire : la capacité de construire du relationnel et à générer cette " bonne volonté " ou " esprit favorable " qui est devenu le nirvana du secteur marchand. Certaines entreprises redorent ainsi à faibles frais leur blason terni par de retentissants scandales (ainsi, Nike, accusée de faire travailler dans ses usines des enfants du tiers-monde), ou se bâtissent " à froid " une image citoyenne et responsable. Bien entendu, les arrière-pensées sont limpides, et les milliards de dollars distribués par un Bill Gates aux associations caritatives internationales ont significativement été débloqués au début de la procédure anti-trust contre son groupe... UN ARGUMENT COMMERCIAL SUPPLEMENTAIREPour une entreprise, un partenariat même ponctuel avec une ONG peut permettre non seulement d'améliorer son image, mais aussi de s'offrir un argument commercial supplémentaire : les entreprises d'e-commerce américaines en sont particulièrement friandes, citons seulement à titre anecdotique et gourmand le cas de Dan's Chocolate, qui vend en ligne des confiseries " bonnes pour les dents et pour l'âme " , et rétrocède 5% du prix de vente aux associations sélectionnées sur une liste par les internautes gourmands . Autre exemple, le fournisseur d'accès Internet World on line a reversé 5 Euros à Amnesty International pour chaque abonnement enregistré entre le 25/12 et le 31/1/2000. On est ici proche d'une publicité quasi-institutionnelle, le risque étant toutefois dans ce genre d'opération de verser une certaine somme à l'ONG et... d'en débourser le triple pour le faire savoir... L'évolution récente a pourtant montré une certaine prise de conscience des entreprises, qui sont passées de " coups marketing " à une véritable réflexion stratégique sur l'éthique. UNE VITRINE POUR LES SAVOIR-FAIREUn partenariat stratégique avec une ONG peut également permettre à une firme privée de faire montre de prouesses technologiques et d'obtenir de bonnes retombées presse : c'est le cas de CISCO, fondateur de NetAid, site Internet humanitaire capable d'accueillir 60 millions de clics à l'heure, qui a fait littéralement exploser la notoriété spontanée du groupe. De même IPin, fournisseur de solutions de micro-paiements électroniques s'associe au Sidaction 99 et s'offre ainsi une formidable popularisation de ses services auprès du grand public . L'UTILISATION STRATEGIQUE DES " RESEAUX "Autre intérêt d'une alliance entre les firmes multinationales et les ONG : l'utilisation des réseaux internationaux mis en place par ces dernières au fil du temps : ainsi, quand Cisco investit des millions de dollars dans NetAid, monté en partenariat avec le PNUD, ce fournisseur de systèmes-réseaux compte bien utiliser les contacts et le crédit dont dispose le PNUD dans 174 pays de la planète. ET MEME DES ECHANGES D'EXPERIENCE...Les ONG " ont dû développer les outils et attitudes qui font rage dans le marketing consumériste. C'est une chose de développer une relation avec des gens de façon à ce qu'ils achètent un produit, et une autre de faire en sorte qu'ils vous donnent de l'argent, juste pour se sentir bien " constate Jeff Hallett, directeur du conseil aux organisations non-lucratives chez AppNet, agence de création de sites et programmes pour le web. Un capital de connaissances qui intéresse fortement les entreprises, à l'heure du " marketing relationnel "... LA QUETE ACHARNEE DES FICHIERSCibler ses prospects et créer de gigantesques fichiers : voilà la " nouvelle frontière " des entreprises... On estime que les entreprises américaines présentes sur le net ont prévu d'investir 1 milliard de dollars pour créer des fichiers d'adresses e-mail de gens prêts à recevoir des courriers d'information plus ou moins publicitaires : les fameux fichiers " opt-in " . La guerre à venir sera donc celle de l'identification des internautes, et le charity business offre un atout non négligeable dans cette bataille, surtout s'il offre la possibilité à l'internaute de faire le bien sans que cela lui coûte rien sauf... justement de laisser des informations personnelles sur lui-même. Un exemple parmi mille : le site de la célèbre Encyclopédie Britannica offrait à l'internaute, en février 2000, 1$ à l'ONG de son choix (parmi une liste de 7), en échange de données nominatives le concernant . Les inscrits pouvaient même participer automatiquement à une loterie, avec à la clef un voyage vers une des sept destinations " thought provoking " à travers le monde... Nous reviendrons très largement dans la troisième partie sur cette question des fichiers et de l'instrumentalisation des donateurs potentiels. 3. L'intérêt croissant des publicitairesLe marché publicitaire est en plein essor sur le net : selon PriceWaterhouseCoopers et l'Internet Advertising Bureau, les revenus publicitaires bruts sur l'Internet ont progressé de 112% dans le monde, pour atteindre 1,92 milliard de dollars en 1998 . Selon Zenith media, ils devraient représenter 2% des dépenses mondiales en 1999. Les premières régies publicitaires " on-line " commencent à apparaître, et des sommes considérables sont investies dans ce secteur. Pourtant, malgré cet essor, le marché semble rencontrer ses premières limites du côté des internautes, qui boudent les formes les plus agressives de la publicité sur le net (bandeaux, " pop-ups "), conduisant à ce qu'on pourrait appeler une " baisse tendancielle du taux de clic ". Pour les professionnels de la publicité, la caution éthique des ONG et associations apparaît comme une parade possible au problème général de la saturation publicitaire. Pour attirer les visiteurs et créer du trafic, la tentation sera dès lors grande d'utiliser l'argument humanitaire sur le Web... Par ailleurs, certains outils relationnels efficacement utilisés par le secteur philanthropique (marketing viral, approche par communauté..) pourront trouver de nombreuses applications et connexions dans le secteur marchand... En conclusion de cette première partie, dressant le panorama actuel de "l'e-philanthropie", nous pouvons donc dire que la collecte de fonds sur l'Internet rencontre les faveurs du public. Certes, les sommes collectées sont encore faibles, mais la mise en place progressive par les ONG de modules de don en ligne et de partenariats, l'augmentation du nombre des internautes et leur confiance accrue envers la sécurité des paiements devraient les développer significativement. Par ailleurs, l'attrait des consommateurs pour le "commerce éthique" et l'intérêt croissant des entreprises et publicitaires, favorisent grandement cet essor. Un des enseignements majeurs est que le don en ligne permet de toucher une cible plus jeune et à revenus plus élevés qu'hors ligne. Une cible, sensible à la réactivité et la simplicité du Net, qui était jusqu'alors rétive aux appels publics à la générosité. Si le réseau peut incontestablement servir les buts des ONG, voyons à présent comment ce potentiel se concrétise en pratiques, quels en sont les acteurs, et quels logiques sous-tendent leurs actes. Contacts : info@oui.net |