La Société urbaine de Communication, textes sélectionnés



Les utilisateurs comme co-concepteurs de services multimédia interactifs :
le projet " Ville numérisée " à Parthenay

Communication présentée en 1997, au Premier Colloque International " Penser les Usages ", du 27 au 29 mai, Arcachon (organisé par la SEE, l’IREST, l’ADERA et avec le soutien de France Télécom). Publié dans les Actes du Colloque.

Par Emmanuel EVENO, CIEU-CNRS, Université de Toulouse-Le Mirail
et Alain d’IRIBARNE, LEST-CNRS

Résumé :

Le projet de Parthenay porte sur les technologies de l’information et de la communication. Il est moins innovant par les technologies mises en oeuvre que par la façon dont il aborde la question de l’insertion de ces technologies dans la société locale. Inspiré par la démarche dite de "social Pull", il a pour objectif de faciliter la co-conception de ces technologies par leurs futurs usagers, en l’occurrence les habitants du District. Son enjeu est de rendre possible la participation de ces habitants au processus d’expérimentation, au côté aussi bien des industriels amenés à développer outils et applications, que des porteurs de projets de développement de services intégrant ces technologies.

Introduction : Une démarche expérimentale de développement local associée aux Techniques d'Information et de Communication

Parthenay, petite ville de 12 000 habitants dans les Deux-Sèvres, chef-lieu du pays de Gâtine, présente la particularité de se poser comme une ville expérimentale en matière de projets de développement. Schématiquement, il s’agit pour elle de gérer le changement social et organisationnel dans le District en le dynamisant par des projets de diverses natures. C’est depuis la fin des années 70 que, en réaction à la crise (plusieurs fermeture d’entreprises successives), la municipalité de Parthenay a mis en place une quinzaine d’outils de développement local avec cette particularité, comme l’avait noté Pierre Teisserenc que "les enjeux se situent moins du côté des contenus des politiques que des conditions de mise en oeuvre".

La ville se pose ainsi en laboratoire. On y voit se succéder des innovations en terme de politique de développement qui se polarisent d’abord sur l’économique pour éclater ensuite dans de multiples orientations : patrimoine et culture, loisirs..., s’appuyant sur des projets "porteurs de changements". La cohérence de cette politique ne doit plus dès lors se comprendre dans ses contenus, mais dans ses processus et sa dynamique d’ensemble, dans ses effets induits qui peuvent être extrêmement diversifiés (responsabilisation, réactivité...).

I - Le projet "ville numérisée" à Parthenay

Depuis 1995, Parthenay, s’appuyant sur son savoir-faire en matière de gestion de projets innovants, participe à un programme d’expérimentation de la DG XIII de la Commission des Communautés européennes. Ce projet est connu sous le sigle Metasa : Multimedia European Experimental Towns with a Social pull Approach. Elle s’est associée, pour l’occasion, à un consortium composé de trois autres villes de taille comparable dans la Communauté européenne -Weinstadt et Torgau en Allemagne, Arnedo en Espagne-, ainsi que d’industriels -France Télécom, Philips, Siemens-Nixdorf, Thomson-Syseca, EDF, la Météorologie nationale, le Centre National d’Enseignement à Distance- et d’Equipes de recherche en sciences sociales. Sur le site de Parthenay, la recherche a été réalisée par une équipe de l’Université de Toulouse-Le Mirail : le Centre Interdiscipli-naire d’Etudes Urbaines, sous la responsabilité d’Emmanuel Eveno. L’ensemble du programme de recherche sur les quatre sites a été coordonné par Alain d’Iribarne. Nous avons choisi de présenter les premières conclusions de cette recherche sur Parthenay.

1. Le site d’expérimentation

Parthenay, petite ville de région rurale, affiche une identité forte, ancrée sur sa tradition agricole et sur son isolement relatif lié à sa place dans le réseau urbain. Avec une population un peu supérieure à 17.000 habitants au dernier recensement, le district de Parthenay, constitué de quatre communes, a connu au cours de ces deux dernières décennies, une quasi stabilité de sa population, dans un contexte d'une assez sensible dépression démographique du territoire rural environnant. Son évolution démographique présente donc un visage commun à beaucoup de petites villes françaises isolées dans un milieu rural.

Les données du dernier recensement montrent une structure par âge de la population du district, peu différente de celle de l'ensemble de la France. Tout au plus peut-on y observer une proportion supérieure de personnes de plus de 40 ans, et donc une proportion de jeunes inférieure à celle du reste du pays. En matière de catégories socio-professionnelles, le visage présenté par le district en 1990 s'inscrit dans la moyenne observable pour les villes d'une taille comparable. Depuis le dernier recensement, les ménages dont la personne de référence était un actif, ont vu leur nombre chuter, tandis que la proportion des ménages dont la personne de référence était un retraité s'est accrue, représentant 23,2% de l'ensemble de la population en 1990 contre seulement 14,6% en 1982. Le District de Parthenay présente donc les carac-téristiques de bon nombre de petites villes françaises.

2. La nature du projet

La Présidence du District de Parthenay s’est posée tour à tour en inspirateur-chef de projet- et en intermédiaire entre les acteurs de l’offre technologique et les utilisateurs potentiels, se considérant comme responsable tout autant de la "vie démocratique" que du développement économique. A travers la nécessaire maïeutique que suppose ce rôle d’interface, elle est devenue un élément moteur de la co-invention des usages innovants en matière de NTIC.

La mobilisation des habitants de Parthenay est passée par une définition nécessaire du statut de co-inventeur qu’ils étaient censés adopter : usagers, citoyens, clients... Cette mobilisation devait rendre possible l’expression de "besoins" ou "d’attentes" en matière de NTIC. L’équipe de recherche avait pour objectif de faciliter l’ensemble de ce processus. Il s’est agi pour elle d’inviter le social à cette co-construction de la technique et d’observer les modalités de cette co-construction. Dès lors, son intervention reposait sur plusieurs éléments :

  • une identification des modes de sociabilité et des différents types de "groupes sociaux",
  • une sensibilisation de ce "social" aux enjeux de cette expérimentation, et sa mobilisation,
  • une facilitation de l’expression de ce qui constituait des "pré-attentes" puis des "attentes", voire des "besoins".

C’est dans ce contexte que le projet Metasa a été conçu. Le rôle de l'équipe de recherche a consisté à dresser un état des "attentes" des différentes composantes de la population de Parthenay en matière d'utilisation de NTIC. Cette problématique des "attentes" se distinguant de celles des "besoins"- le besoin étant ce qui précède la "demande" et motive la décision d'acquisition ou d'utilisation des usagers/consommateurs -, il ne s'agissait pas de réaliser une enquête de type marketing. En effet, le besoin ne pouvait s'exprimer en l'absence d'une offre technologique -d'un marché-, où viendraient s'articuler offres et demandes.

L'entrée par les "attentes" supposait une recherche en amont sur les conditions sociales qui déterminaient leurs expressions. Il s'agissait donc de procéder en premier lieu à une approche des pratiques sociales et des réseaux sociaux. Que les populations aient des attentes, résultant de leurs diverses insatisfactions, de leur recherche de solution à tel ou tel problème, de leur souhait de dynamiser leur projet... etc. était fort probable. Cependant, il ne pouvait guère être question de leur demander de positionner ces attentes vis-à-vis d'une "offre technologique" en NTICs qui était à ce moment de l'expérimentation plus ou moins abstraite selon les différentes catégories d'acteurs.

Certaines attentes étaient donc plus pressantes que d'autres, et des questions directes sur les NTICs , posées trop vite et de façon trop abrupte, risquaient fort de ne laisser s'exprimer que des stéréotypes, fantasmes ou réticences. En effet, pour une personne au chômage, l'attente principale est généralement de trouver ou retrouver du travail. Pour une personne âgée ou handicapée, ce peut être de remédier à son isolement, d'acquérir ou de retrouver une certaine indépendance dans les différentes démarches de la vie quotidienne. Les interroger sur des attentes vis-à-vis des NTICs, pouvait en première analyse, apparaître comme très secondaire eu égard à leurs attentes prioritaires. Si on pouvait imaginer que les NTICs puissent répondre à certaines de ces attentes, il convenait donc, dans un premier temps, de s'interroger sur les constructions sociales de celles-ci. C’est ainsi qu’une étude des pratiques sociales, relatives à l'espace public, à la technique (dans son sens large) et aux réseaux sociaux (groupements divers, réseaux de solidarité...etc.), a permis de mettre en perspective les attentes exprimées par la population, en les replaçant dans leur contexte social.

Un souci était d'affiner la vision des industriels et de la collectivité -qui est en situation d'intermédiaire entre ces industriels et les citoyens/usagers potentiels-, et de les prémunir contre toute vision trop construite a priori de ce que seraient les "besoins potentiels", pour éviter que ces a priori ne débouchent sur des expressions trop déconnectées des pratiques sociales. Il est clair en effet, que les usages d'une technique sont fortement influencés par le contexte social qui leur donne une certaine cohérence. La prise en compte de ce contexte devient alors essentielle pour favoriser les conditions d'une socialisation des ces techniques. Autrement dit, au-delà de la présentation par l'équipe de recherche d'une liste de recommandations/ préconisations à destination du Consortium des industriels, il s'agissait aussi pour eux, de créer les connaissances nécessaires pour faciliter la socialisation des offres technologiques.

C'est dans ce souci qu’un schéma méthodologique a été construit, avec la volonté de présenter une démarche cohérente, tant d'un point de vue scientifique que d'un point de vue de l'action qui était incluse dans le projet d'expérimentation.

3. Une méthodologie en trois phases

3.1. Un questionnaire

Le choix d'interroger les pratiques sociales à travers la triple entrée du rapport à la technique, du rapport à l'espace public et de la constitution de "réseaux sociaux" par le biais d'un questionnaire, a permis de livrer un premier diagnostic sur les conditions sociales de l'expression des "attentes". Le questionnaire a permis de collecter des données que ne donnaient pas les statistiques disponibles, sur les taux d’équipement des ménages, les grands types de consommation, les pratiques de sociabilité et de loisirs, le rapport à la technique.

Diffusé à 7 000 exemplaires, soit un par foyer sur l’ensemble du District, le questionnaire a également permis de disposer d’informations sur une population plus diversifiée et plus large que dans le cadre d’un travail direct avec des groupes de population. Il a permis de juxtaposer à des lectures empiriques de la société locale, une lecture construite sur d’autres critères jugés plus pertinents pour l’analyse des attentes potentielles susceptibles d’être exprimées vis-à-vis du projet d’expérimentation de Parthenay. Ainsi, le questionnaire a permis d’identifier des critères de constitution de groupes sociaux (pratiques sociales voisines, culture et rapport à la technique...). Si en dépit d’un taux de retour important, le questionnaire n’a pas permis de représenter fidèlement l’ensemble de la population locale, pour autant, il a permis de disposer d’un échantillon suffisamment vaste de cette population pour que peu de ses composantes aient totalement échappé au questionnement, sinon les plus marginalisées.

3.2. Des groupes de discussion

Les groupes de discussion ont été construits sur la base de l’exploitation du questionnaire : 23 groupes d’une dizaine de personnes se sont réunis à deux reprises et ont débattu en présence d’un animateur et d’un secrétaire de séance, de la question de l’utilité des NTIC dans la société locale. L’animateur disposait d’un matériel (quelques résultats du questionnaire parmi ceux qui étaient les mieux adaptés au profil du groupe) afin de lancer le débat, puis il orientait ce débat en suivant un guide de conduite de réunion tout en tenant compte des diverses réactions du groupe. Lors de la deuxième séance (en moyenne une semaine après la première), il était débattu de scénarios d’utilisation de NTIC, sans tenir compte de l’existant technique et en examinant les conditions d’acceptabilité souhaitées.

L’exploitation de ce matériau a amené à présenter les résultats sous forme d’attentes fonctionnelles et de conditions d’acceptabilité.

3.3. Des groupes de travail

Les groupes de travail ont été constitués grâce à une à série d’entretiens (près de 80 en tout) qui avait pour objet de permettre d’appréhender les dynamiques locales au travers du jeu des acteurs. Les acteurs dont il s’agit ici étaient évidemment ceux qui participaient, à des degrés divers, aux politiques locales, constituant les principaux relais, entre le District ou la Municipalité et les habitants-citoyens-usagers. Vingt groupes ont été ainsi constitués sur des bases de logiques professionnelles et se sont réunis a deux reprises. L’organisation des séances de travail était voisines de celles de groupes de discussion et les questions posées tournaient autour de l’intérêt des NTIC dans l’activité professionnelle, leurs conditions de mise en oeuvre et d’acceptabilité. De façon identique à l’exploitation des débats des groupes de discussion, l’exploitation de ce matériau a amené a présenter les résultats sous forme d’attentes fonctionnelles et de conditions d’acceptabilité.

II - Les premiers résultats de la recherche

Les enquêtes ont révélé une société locale dynamique et réactive, avec une tendance à la centration sur l’espace local, et dotée d’une forte identité axée sur la vie culturelle, largement considérée comme un point fort de la vie locale.

La population du District de Parthenay a également montré une très forte sensibilisation à l'expérimentation et une très grande mobilisation en sa faveur. Ainsi, sur les 7000 questionnaires envoyés dans l’ensemble des foyers du district, 1500 ont été retournés, soit un taux de retour de 21,5%, ce qui est excellent. De même près de 500 personnes ont participé aux groupes de discussion et de travail. On peut penser que c’est la vigueur des dynamiques locales qui explique l’adhésion à l’expérimentation, perçue comme un nouveau projet ambitieux de développement local. S’inscrivant dans la suite des projets antérieurs, elle n’a pas été considérée comme une rupture dans le vie locale. L’enjeu principal, pour le District, était de parvenir à mobiliser ces dynamiques sociales en faveur du projet, et de traduire cette adhésion en participations et en nouvelles initiatives en matière d’application des NTICs.

1. Les résultats du questionnaire

1.1. L’équipement des ménages

La connaissance du niveau d’équipement actuel d’une population donnée dans les domaines de la vidéo, de l’audio ou de l’informatique constitue un indice élémentaire et naturel aidant à percevoir la réceptivité de celle-ci aux avancées du multimédia. C’est aussi une façon indirecte d’approcher l’intérêt potentiel de cette même population vis-à-vis du développement d’un réseau permettant l’interactivité.

Les ménages qui ont répondu à l'enquête semblent très bien équipés en appareils ménagers ou de loisirs. Leurs taux de possession de ces appareils sont bien supérieurs à la moyenne nationale pour la plupart des appareils étudiés. Les statistiques actualisées sur la France sont cependant fragmentaires et il reste assez souvent difficile de comparer entre la situation parthenaisienne et l'ensemble de la France.

Ce constat ne peut cependant être extrapolé à l’ensemble de la population parthenai-sienne sous peine d’une surestimation de la réalité. En effet les "retours" ont été plus importants parmi les catégories supérieures (professions supérieures et intermédiaires, haut niveau de revenu et d’études) qui sont aussi les plus équipés. Le spectre socioprofessionnel couvert par l’enquête étant par contre très large, il permet de confirmer que les taux d’équipements sont d’autant plus forts que la catégorie sociale est élevée, conséquence évidente de moyens financiers plus importants, mais aussi de modes de vie plus technicisés et d’une plus forte propension à conférer aux objets technique un effet distinctif socialement marquant.

1.2. L’attitude par rapport à l’expérimentation

Huit personnes sur dix avaient entendu parler de l’expérimentation, et la curiosité vis-à-vis d’elle a été grande. Ceux qui ne connaissaient pas son existence étaient essentiellement de nouveaux résidents, des femmes, et des personnes peu intégrées à la vie locale, à faible niveau de revenu, de formation et d’équipement. Toutefois, la première concrétisation de l'expérimenta-tion (le BBS) était bien moins connue que le projet lui-même , ce qui montrait pour le moins l'existence d’un "flou" autour du projet.

L’opinion exprimée sur l’expérimentation a été globalement plutôt favorable. A l'inverse, les propositions les plus négatives (pas adaptée à la vie locale, trop ambitieuse et source d'exclusion sociale) n'ont été choisies que par moins d'une personne sur dix. Très rares sont ceux qui l’a jugée inutile (3,6%). Seule la crainte que l'expérimentation "coûte cher aux habitants" a été partagée par un répondant sur cinq.

Nombreux sont ceux qui, plutôt favorables, ont exprimé le souhait d’une information plus précise sur les contenus et les réalisations concrètes d’une telle expérimentation afin de se prononcer plus avant. C’est l’attitude de près de la moitié (46,3%) des répondants qui connaissaient l’expérimentation. Cette population "d’intéressés-distants" plutôt attentistes, est, par ailleurs potentiellement très utilisatrice d’applications numériques. Elle comprend en effet une forte proportion de cadres et de professions supérieures, disposant d’un bon niveau d’études, bien équipés et en prise avec l’univers des techniques.

Un autre groupe -les "réservés-méfiants"- a trouvé l’expérimentation positive pour l’image du District de Parthenay, mais pense qu’elle va coûter cher aux habitants et sera une source d’exclusion sociale et culturelle. Ce groupe, qui représente 16% des personnes connaissant l’expérimenta-tion, est assez équitablement répandu dans toutes les strates de la population.

Au total, et sur l’ensemble de la population d’enquête, moins du quart (22,9%) a pu être réellement qualifié de vraiment "favorable" à l’expérimentation, c’est-à-dire connaissant son existence, la trouvant intéressante, et choisissant les items les plus positifs pour la qualifier, l’estimant favorable au développement économique, un atout pour l'intégration européenne et positive pour l'image du District. Ce sont des personnes qui ont une bonne image du District de Parthenay . Elles le considèrent "en avance" d'un point de vue culturel, technique et social, ainsi que "dans la moyenne" d'un point de vue économique. Elles sont "suréquipées", et participant beaucoup à la vie locale et y sont particulièrement actives. Sont sur représentés dans cette catégorie, les hommes et les professions supérieures à haut niveau de revenu et d'études.

A l’inverse, une très petite minorité (6,6% des répondants et 8,4% de ceux qui connaissent l’expérimentation) est constituée des "opposants" qui ont choisi les items les plus négatifs pour qualifier l’expérimentation : trop ambitieuse, va coûter cher aux habitants, inutile et inadaptée à la vie locale. Ils ont eu une expérience de vie dans une grande ville, sont propriétaires de leur logement et gros consommateurs de téléphone. Sont sur-représentés ici les artisans, commerçants et chefs d'entreprise de 40 à 59 ans.

1.3. Le rapport à la vie locale

L’enquête fait ressortir une forte implication dans la vie locale et une nette centration sur l'espace local. Toutefois, les personnes les plus impliquées dans le vie locale ont sans doute été plus réceptives à l'enquête.

La forte implication dans la vie locale est l’indice d’un milieu social actif et dynamique, structuré par une forte culture locale, une identité sans doute d’autant plus marquée qu’elle semble s’être construite récemment, produisant une véritable communauté locale, sans rupture avec les racines et les références issues de l’histoire économique de Parthenay. L’analyse des formes d’implication dans la vie locale fait ressortir plusieurs groupes qu’il peut être intéressant de distinguer dans une perspective de projet :

  1. La dynamisation de l’expérimentation pourra s’appuyer sur les "acteurs" et les "relais" de la vie locale (), c'est-à-dire les personnes les plus actives de la vie locale qui assistent à toutes les manifestations culturelles et participent à leur organisation, prennent des responsabilités dans les associations, et ont une forte implication citoyenne. Il s'agit d'une sous-population plutôt masculine, d'un niveau social et culturel élevé, très en prise avec les techniques nouvelles. Ils ont une image très positive du District, qu'ils estiment plus souvent que les autres, en avance sur tous les points considérés. Très favorables à l'expérimentation, ils en attendent surtout des effets sur les dynamiques collectives.

  2. Une frange importante de la population (25,2%) est constituée de personnes en retrait par rapport à la vie associative, culturelle et politique locale (les "décalés"). Elles assistent très peu aux manifestations, ne participent à aucune association et sont peu actives dans la vie locale. Sont ici sur-représentés les personnes âgées, les personnes à faible niveau scolaire et social, mais aussi les jeunes célibataires peu socialisées et les nouveaux résidents. Sont sur-représentés ceux qui sont dotés d'une faible culture technique. Ils sont en retrait par rapport à l'expérimentation qu'ils ne connaissent pas, ou s'en désintéressent. De ce fait, ils n'ont aucune attente spécifique par rapport aux NTIC.

  3. Le "grand public" constitue la catégorie logiquement très largement majoritaire (58,4% de la population d'enquête). Ce "grand public" est constitué des couches moyennes salariées, bien intégrées socialement et ancrées dans l'espace local, qui assistent uniquement aux manifestations les plus fréquentées mais délaissent les plus confidentielles, qui s'intéressent aux problèmes rencontrés dans leur environnement mais ne prennent aucune responsabilité dans la vie locale. Il est important de noter que cette catégorie est plutôt favorable à l'expérimentation. Cela signifie qu’il devrait être possible, a priori, de compter sur une large assise sociale pour développer le projet "ville numérisé", à condition, toutefois de lever certaines inquiétudes.

  4. Enfin, un très petit groupe (2,7%) semble avide de consommations culturelles : ces "consommateurs cultivés" assistent à toutes les manifestations et sont de gros consommateurs d'équipements vidéo. Ils paraissent pourtant en retrait dès qu'il s'agit de s'engager plus avant ou de prendre des responsabilités. Très axés sur les techniques d'information et de communication (quand ils ne sont pas déjà utilisateurs de micro-informatique et d'Internet, ils souhaitent massivement les utiliser), ils sont très favorables à l'expérimentation, mais ont des attentes que nous qualifierons "d’utopistes". Centrés sur leur espace domestique, ils sont en retrait du point de vue d'une participation citoyenne à la vie locale.

Finalement la population du district apparaît comme marquée par une nette et forte centration sur l’espace local qui s’accompagne d’une image plutôt positive du District de Parthenay, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de la vie culturelle. Relativement à d'autres collectivités locales de même taille, le District apparaît à ses habitants comme culturellement très en avance, économiquement plutôt en retard, et dans la moyenne d'un point de vue social et technique.

1.4. Le rapport à la technique.

Le rapport à la technique est un facteur déterminant de l'insertion sociale des techniques. Il articule à la fois des pratiques, une familiarité avec les techniques nouvelles, une culture technique, et des représentations.

Nous avions déjà noté les taux très importants d’équipements en matériels ménagers ou de loisirs. Ajoutons à cela que près de la moitié des répondants (41,6%) déclare avoir déjà suivi une formation à la micro-informatique. Nous avons cherché à saisir le niveau de compétence technique des personnes interrogées en testant leur connaissance d'un certain nombre de termes de l'univers des techniques de pointes (NTIC notamment). On a pu ainsi classer notre population en trois catégories : les "experts", les "connaisseurs" et les "distants", les deux premières catégories représentent au total près des deux tiers de la population des répondants

  1. Les "experts" se caractérisent par leur très bonne connaissance des termes proposés. Non seulement ils connaissent les termes en question, mais encore ils savent de quoi il s'agit, y compris les plus rares. Ils représentent plus du quart (26,8%) des répondants. Il est clair que cette forte proportion renvoie aux caractéristiques spécifiques des habitants qui ont répondu à l'enquête (les plus en prise avec l'expérimentation et les techniques).Il s’agit là de personnes dotées d'une forte culture technique. Se retrouve dans ce groupe, masculin aux trois quarts, la couche supérieure de la population : les cadres et professions supérieures, les plus diplômés, les plus cultivés, les plus équipés, les utilisateurs d'Internet... Ce sont aussi les plus actifs dans la vie locale, ceux identifiés comme les "acteurs" ou les "relais". Ils sont très favorables et intéressés par l'expérimentation dont ils attendent surtout des bénéfices en termes de reliance sociale.

  2. Les "connaisseurs" représentent plus du tiers de la population des répondants (35%). Ces personnes ont déclaré connaître la plupart des termes proposés, mais sans toujours savoir précisément de quoi il s'agissait. Dotés d'une faible culture technique, ils ne sont pourtant pas sans connaissances ni compétences techniques. Sont sur-représentés dans cette catégorie les personnes âgées, les ouvriers et les travailleurs indépendants. Légèrement moins équipés que la moyenne de notre population, ils ont un faible niveau scolaire. Très centrés sur l'espace local, ce sont de gros lecteurs de la presse locale que, plus souvent que les autres, ils lisent tous les jours, et disposent d'une bibliothèque plus fournie que la moyenne. Ils n'ont pas d'attitude particulière vis-à-vis de l'expérimentation, se situent dans les tendances générales, plutôt positives et bienveillantes. Ils ont pourtant du mal à exprimer des attentes par rapport aux NTICs et, plus souvent que les autres, n'ont pas répondu à cette question.

  3. Les "distants". Ce groupe modal (38,2% de la population) comprend les personnes les plus éloignées de l'univers des techniques : elles ont déclaré ne pas connaître la plupart des termes proposés. Il s'agit d'une sous-population majoritairement féminine (60%) peu en prise avec les techniques modernes, mais aussi d'une sous-population très peu équipée, peu socialisée et "décalée" par rapport à la vie locale. Ils ne connaissent pas l'expérimentation ou restent distants à son égard, sans savoir quoi en penser et qu'en attendre. Ils ne désirent d'ailleurs pas être utilisateurs de micro-informatique ou des NTIC.

1.5. Les attentes

Le rapport à la technique articule des attentes multiples et diversifiées. Elles s’expriment d’abord par le souhait d’utiliser ou non les NTIC. Ainsi, si une personne sur dix parmi les répondants a déjà assisté à une démonstration d’Internet, et si 4,6% seulement l’ont réellement utilisé, près de la moitié de ceux qui ne l’ont pas encore déjà utilisé, envisageraient de le faire. De même, plus de la moitié (50,5%) des personnes qui connaissent l’existence du BBS seraient désireuses de l’utiliser. Enfin, le tiers des personnes qui n’a pas déjà suivi une formation à la micro-informatique, aimerait en suivre une. On a là l’image d’un tissu social réceptif aux NTIC et prêt à en faire l’apprentissage.

1.5.1. Les attentes sont d’abord d’ordre ludique.

Lorsqu’on a demandé aux personnes qui souhaitent utiliser Internet, quels usages ils voulaient en faire, la moitié a mentionné exclusivement des usages de loisirs, 20% des usages professionnels uniquement, et 30% les deux. En fait, 80% des répondants envisagent, exclusivement ou non, des usages ludiques d’Internet, hors on sait que le terme d’autoroute de l’information est bien souvent assimilé à Internet, qui incarne sans doute les représentations locales de l’expérimentation "Ville numérisée".

1.5.2. D’un point de vue plus utilitariste

Les attentes peuvent être regroupées en quatre catégories bien différentes, exprimées par des populations elles-mêmes bien différentes, sachant que seuls 8,3% des répondants ne se sont pas prononcés à leur sujet. Ce sont les personnes les plus âgées et d'un faible niveau d'études. Participant peu à la vie locale, elles se sentent peu concernées par les nouvelles technologies, mais ne semblent pas opposées à l'expérimentation qu'elles connaissent mal.

  1. "Un outil de développement économique, de formation et d'éducation"

    La moitié des répondants pense que les NTIC peuvent être à la fois un moyen de lutte contre le chômage, un moyen de formation permanente pour les adultes et un nouvel outil pour l'éducation des enfants. On trouve dans cette catégorie une sur-représentation des 25-39 ans et des "couches moyennes", et, dans une moindre mesure, des chômeurs. Ces personnes sont plutôt centrées sur leur vie familiale et participent peu à la vie locale et associative. Elles s'impliquent peu dans l'expérimentation et se sentent peu concernées par les nouvelles technologies. Elles en attendent toutefois un développement économique, notamment en terme d'emploi. Leurs espoirs semblent se reporter plutôt sur leurs enfants. On peut les qualifier "d'attentistes", comme si ce type d’attente était en quelque sorte un alibi commode, imaginant peu d’utilisations pratiques et se sentant peu concernés par l’usage des NTIC.

  2. "De nouveaux services dans la vie quotidienne"

    Une personne sur cinq (19,8%) attend des NTIC un meilleur accès aux différentes administrations, aux services financiers et bancaires, aux services de santé, et une meilleure connaissance de la vie locale. Cette attitude va de pair avec une certaine distance par rapport à l'expérimentation et aux technologies nouvelles (ils ne connaissent pas l'expérimentation ou ont tendance à la trouver trop ambitieuse). Cette catégorie est très hétérogène, couvrant un large spectre de la population locale.

  3. "Un moyen de reliance sociale"

    19,3% des répondants centrent leurs attentes sur l'aspect relationnel des NTIC, en espérant de nouvelles relations sociales, un accès aux réseaux internationaux et une meilleure connaissance de la vie locale. Cette catégorie comprend à la fois des jeunes de moins de 25 ans, célibataires, et des ménages avec des enfants encore jeunes et scolarisés. Ils ont une image très positive du District de Parthenay. Sont sur-représentées les catégories sociales supérieures, cultivées, très équipées, en prise avec les techniques modernes, et participant très activement à la vie culturelle et associative locale. Ce sont surtout les "acteurs" et les "relais" de la vie locale. Ils sont également très curieux et "demandeurs" de NTIC et sont très favorables à l'expérimentation. On peut augurer que cette catégorie constituera un élément essentiel dans la socialisation de l'expérimentation, de par à la fois ses attitudes et attentes par rapport aux NTIC et par son rôle d'acteur dans la vie locale.

  4. "Une panacée"

    Pour une très petite minorité des répondants (1,9%), les attentes concernant les NTIC s'appliquent à tous les items proposés, comme si les NTIC étaient considérées comme "l'outil miracle universel susceptible de résoudre tous les problèmes". L'analyse de leurs caractéristiques semble montrer une forte bienveillance par rapport à l'expérimentation, et plus généralement par rapport aux technologies récentes. Participant à la vie locale, sans pourtant pouvoir en être considéré comme des acteurs (ce sont plutôt des "consommateurs cultivés"), ils ont un niveau d'études et de culture scientifique important (bac + 2), et possèdent deux fois plus souvent que l'ensemble de la population, des livres ou revues scientifiques. Ils attendent beaucoup des progrès techniques, avec une tendance boulimique vis-à-vis des techniques. Ce seront sans doute les premiers utilisateurs des applications multimédia, mais ils risquent d’être vite déçue ou lassés.

2. Résultats des groupes de discussion de la population

2.1. Les attentes dominantes faisant système

Elles définissent en quelque sorte des conditions d’acceptabilité. Nous avons choisi de les présenter sous deux formes, les enjeux et conditions techniques

2.1.1. Les enjeux

Ils définissent les conditions d’acceptabilité des NTIC, et diffèrent selon les types d’attentes, les secteurs et les acteurs. Ils renvoient à des enjeux plus globaux qui font en quelque sorte référence aux systèmes de valeurs sous-jacents au projet. En cela, les enjeux forment un environnement de marges de manoeuvre dont il s’agit de tenir compte pour commencer à évaluer la faisabilité opérationnelle des applications techniques. Quatre enjeux ressortent en priorité.

Des enjeux de la consultation : une incertitude demeure quant à la réelle prise en compte des expressions des populations dans les décisions qui seront prises concrètement sur le terrain local.

Des enjeux sociaux : il existe une crainte que l’expérimentation provoque une aggravation de l’exclusion sociale des populations qui ne sont pas dotées de capacités financières ou de formation suffisantes pour aborder l’utilisation des outils techniques. Les participants souhaitent plus largement une clarification sur les coûts financiers de l’expérimentation.

Des enjeux éthiques. le souhait est exprimé que la conception des NTIC intègre les notions "d’utilisation pour tous" et rende facile, convivial, didactique leur maniement, et surtout qu’elles assurent une "préservation des libertés individuelles et des secrets professionnels" dans les domaines de la santé, de la justice, de l’administration et de l’état civil.

Des enjeux politiques ou de citoyenneté : avec une volonté de démocratisation de la vie locale définis comme visant à améliorer la gestion de la cité et les rapports entre la collectivité et ses citoyens

2.1.2. Les conditions et attentes techniques

Le respect de ces "conditions" pourra être décliné diversement en fonction des profils des usagers et des domaines d’application. Ainsi, par exemple, l’anonymat dans la communication électronique n’a ni la même légitimité ni la même pertinence quand il s’agit de traiter des problèmes sociaux ou de santé ou quand il s’agit d’échanges et de relations sociales ou politiques. Ces conditions techniques ont été subdivisées en cinq catégories.

L’accès à l’Information : il s’agit des informations que les Usagers souhaitent trouver dans les systèmes et des types d’accès souhaités.

Les équipements : dans bien des cas, ces considérations sont à confronter avec celles reportées dans les "conditions d’acceptabilité, enjeux sociaux, problèmes des coûts d’équipement".

L’ergonomie et les propriétés techniques des Systèmes : ce sont les propriétés d’interactivité, de fiabilité, de rapidité... qui sont évidemment pour partie liées aux types d’équipement, à l’architecture et à la capacité des systèmes (accès 24/24, structuration multiple de l’information, en langue française, visualisation des coûts de communication à l’écran...).

La limitation des effets pervers et la protection des usagers : ce ne sont pas toujours des "conditions techniques" au sens strict, mais les configurations techniques devraient pouvoir tenir compte de ces conditions : protection juridique des utilisateurs ; reconnaissance juridique des écritures électroniques ; permettre la confidentialité ; limiter les pannes techniques; assurer la liberté d’expression tout en canalisant l’information ; contrôler le piratage ; préserver la complémentarité entre outils traditionnels et nouveaux ; éviter la publicité sur les banques de données et les réseaux ; possibilité d’essayer avant de s’équiper....

Les configurations du système : dans leur ensemble, les citoyens attendent un système qui soit pris en charge dans une bonne proportion par l’acteur public local, en l’occurrence, la commune et le district. Le système le plus attendu est un système ouvert, facile d’utilisation quoi que performant, simple d’accès, capable de garantir la confidentialité et peu onéreux. On aperçoit également le besoin de ne pas se sentir isolé et la volonté de participer au réseau installé par la Ville.

2.2. Les attentes exprimées dans les groupes de discussion

Les "attentes" formulées se présentent souvent comme des positions de principe, des avis très généraux sur la pertinence du projet. Elles constituent cependant un matériau susceptible d’inspirer le développement et l’orientation de l’expérimentation.. Elles permettent d’esquisser des conditions de développement et des éléments de faisabilité sociale en fonction de catégories sociales distinctes. Les processus d’appropriation sociale, de diffusion des innovations techniques, devraient, au moins dans un premier temps passer par une traduction dans ce "tamis" des profils-types.

  1. Ceux qui " ne connaissent pas l’expérimentation "

    Leurs attentes se polarisent sur l’espace domestique familial : rapprocher les individus au sein de la cellule familiale ; favoriser le travail à domicile ; aider à la vie ménagère (course à distance via télé-achat et livraisons à domicile), à l’éducation des enfants, au déplacement des personnes handicapées. Les personnes comprises dans ce profil manifestent également des attentes en matière d’informations (accès à un Méga Quid téléchargeable, informations publiques et administratives...). Elles énoncent de très nombreuses "conditions d’acceptabilité". Compte tenu de leur faible culture technique en général, il n’est guère étonnant que les membres de ce groupe formulent de nombreuses réserves, craintes, méfiances vis-à-vis des nouvelles technologies : crainte de l’isolement, rupture des relations humaines, peur du "savant fou", de la manipulation et de l’impossibilité de contrôle par la société... L’acceptabilité des personnes de ce profil passe donc par une dédramatisation des techniques mais aussi par leur intégration dans le rôle de co-constructeur des usages.

  2. Les "Utopistes"

    Les "Utopistes" considèrent que le projet doit servir à "favoriser les échanges à tous les niveaux" de la société locale. En cela, ils se distinguent du groupe précédent dans la mesure où ils intègrent le rôle du citoyen acteur de l’échange. C’est, toutefois, la seule différence notable, le reste de leur attente portant surtout sur des accès à de l’information locale : professionnelle et privée, administrative, de loisirs. Ils expriment surtout des attentes de consommateurs. Ils attendent une meilleure communication sur le projet, un effort de vulgarisation. Dès lors où on passe à la phase concrète de co-construction des attentes, ils émettent de nombreuses réserves.

  3. Les "Réservés-Méfiants"

    Malgré leur profil, les "réservés-méfiants" ont livré quelques attentes précises notamment sur les questions concernant le "développement local" : faciliter la communication entre les villes jumelées, le courrier électronique pour les entreprises locales, la promotion touristique. La question de l’emploi et de l’intérêt des applications pour améliorer l’adéquation offres/demandes d’emplois est une autre de leurs grandes préoccupations. Ils ont cependant une certaine méfiance des NTIC. Ils doutent des finalités du projet et estiment que c’est une simple vitrine, un simple événement médiatique. Ils redoutent que les coûts d’utilisation soient générateur d’exclusion. Ils pensent qu’au final le projet sera élitiste , que le projet n’est pas adapté à la vie locale, surtout pour une population perçue comme "vieillissante", qu’enfin, il ne devrait pas être considéré comme une priorité aux regard d’autres problèmes plus pressants (insertion sociale, emploi). On peut donc conclure que, pour ce groupe, le projet doit faire ses preuves en tant qu’instrument politique d’insertion sociale, de réduction des inégalités et de création d’emplois.

  4. Les "Favorables"

    Les attentes des "favorables" sont celles qui se reportent le plus significativement sur la dimension "communication" : communiquer avec d’autres villes européennes, avec les élus locaux et les services municipaux, échanges culturels, mise en réseau des établissements scolaires, des syndicats et fédérations nationales de l’éducation... Ce sont ceux qui ont le plus de facilité à se projeter comme acteurs et co-inventeurs. Ils émettent également de nombreuses propositions relatives au développement local : améliorer la compétitivité des entreprises locales, favoriser le télétravail... Parmi les "conditions d’acceptabilité", ils signalent l’importance du public des jeunes et insistent sur des pré-requis techniques : la possibilité d’effectuer un tri des information, de les valider, de rendre les applications conviviales. Ils insistent également sur les dimensions sociales du projet en facilitant l’accès, en nivelant les inégalités et suggèrent d’insister sur la formation de base. Ce groupe, très positif dans son ensemble, se projette aussi comme porte-parole, intermédiaires des d’autres groupes sociaux qu’ils considèrent comme moins aptes à exprimer leurs attentes propres, ce qui correspond aussi à la pratique sociale des individus qui le composent (fortement impliqués dans la vie locale, relais traditionnels des politiques locales....).

  5. Ceux qui attendent de "Nouveaux Services"

    Les nouveaux services attendus sont à l’articulation entre des attentes d’informations (informations pratiques sur la vie locale, sur les services de transport, bancaires, de voyages, de formation et d’orientation) et des attentes en matière de communication (échanges sur des projets d’intérêt communs, forums politiques locaux et internationaux...). Ils souhaitent une information sur les techniques, une vulgarisation. Ils insistent sur le fait que le projet ne doit pas être source d’exclusion et doit permettre de responsabiliser les individus. La préservation des contacts humains est très importante pour ce groupe, ainsi que l’information des jeunes sur le projet.

  6. Les "Distants"

    Ils sont distants quant aux finalités du projet. Ils n’en attendent pas une solution "miracle". Ils sont conscients des mythes qui traversent le champ de l’information et de la communication, pour les avoir déjà entendu à propos de l’informatisation. De ce fait, ils ne refusent pas ce "progrès" mais ils s’octroient la possibilité de se tenir à distance. Ils ont le souci de réduire les inégalités sociales et souhaitent vivement un contrôle de l’information. Ils ont réfléchi sur la question des coûts, sur ce qui doit être gratuit (accès rapide et quasi gratuit pour la recherche d’information administrative, sociale, culturelle) et ce qui peut être payant (la publicité, les services professionnels et spécialisés), ceci dans un souci d’équité. Ils considèrent que les applications doivent proposer des services de base et des services professionnels à haute valeur ajoutée, qui doivent fonctionner sur des réseaux différents. Ils proposent également la mise en place d’installations dans des lieux publics, suivant le découpage par quartier avec, à chaque fois, des animateurs.

  7. Les "Opposants"

    Ils pensent que les réelles finalités du projet ne son pas celles énoncées, et qu’elles sont plus politiques -ce projet est un caprice politique- qu’industrielles. Ils craignent un décalage entre les compétences techniques des enfants et celles des parents. Ils empruntent un vocabulaire négatif : "le projet semble ne pas être adapté à la vie locale, irréaliste, la population est vieillissante, les femmes au foyer n’auront pas le temps de participer, les techniques ne résoudront pas à elles seules l’exclusion, il y a de mauvaises relations sociales à la base...".

  8. ceux qui attendent de la "Reliance sociale"

    Ils s’inscrivent eux aussi dans un schéma intégrant des attentes d’information et de communication. Leurs attentes en matière de communications signalent leur statut dans la société locale : à travers l’amélioration des relations clients/ fournisseurs, ils se posent comme acteurs de la transaction commerciale et non plus comme simples consommateurs. Ils conçoivent ces outils de communication comme des éléments importants de la modernisation locale (modernisation des commerces locaux, implantation d’un pôle technologique...), de la formation, notamment de la formation continue.

Conclusion

L'intérêt d'une approche qui s’appuie sur des "attentes" de population se situe sur plusieurs plans qui concernent tous des stratégies de "numérisation".

Dans une perspective dynamique, cette phase de la recherche qui s’est située en amont du projet, a constitué un temps marquant dans la sensibilisation de la population aux enjeux de l'expérimentation, cette sensibilisation étant intéressante comme étape nécessaire à l'appropriation collective du projet puis, à l'implication dans le projet, de groupes significatifs de la population.

D’un point de vue des "attentes " des populations, elle a globalement montré des populations en majorité loin des deux extrêmes véhiculés par les images d'Epinal des NTICs : les "web-sufer" et les "web-fob". Le gros des population se situe en effet, dans des positions intermédiaires, en positions d’écoute qui vont de l’intérêt à l’expectative et qui en même temps se réfèrent moins aux technologies elles-mêmes qu’aux conditions sociales d’usage de ces technologies, c'est-à-dire à la société "qu’on" leur prépare. La certaine distance ainsi manifestée, souvent interprétée comme un refus, la volonté exprimée de "voir pour croire", ne sont finalement que l’expression d’une grande sagesse.

La démarche a par ailleurs confirmé la grande hétérogénéité de ces attentes vis-à-vis des technologies et de leurs applications, information d’autant plus importante que ces attentes sont susceptibles d’induire, dans une certaine mesure, des pratiques d’usages. Plus précisément, cette recherche a identifié des "zones de partage" à partir des lesquelles se dessinent des spécificités de groupes, de classes, de génération, des spécificités professionnelles, organisationnelles..., et qui ont permis de construire des typologies. Mais ces typologies sont complexes, avec des frontières entre les types qui sont loin d’être étanches. L'appréhension de l'ensemble du spectre représenté par ces types donne des indications sur les dénominateurs communs en matière d'attentes, mais surtout sur des divergences qui constituent autant d’éléments intéressant l'élaboration du système technique à venir et des services en ligne qui seront mis à disposition.

Enfin, il apparaît clairement que la traduction entre ces livraisons et le travail des techniciens-développeurs du Consor-tium industriel et des acteurs publics locaux, ne peut pas s'effectuer simplement. Ces livraisons introduisent en effet toute une série de contraintes entre lesquelles il convient d'arbitrer, ne serait-ce que parce qu'elles recèlent de nombreuses contradictions. Pourtant ce travail est apparu absolument nécessaire au regard d'une logique sociale qui ne saurait être dissoute dans une construction rationnelle, aussi complexe soit-elle.

C’est dans cette perspective que doit être replacée la stratégie de "numérisation" retenue par le district de Parthenay. Elle s’est traduite par la décision de mettre en place plusieurs centres multimédias qui s'adressent à des publics différents, prenant acte de cette diversité des logiques sociales : ces réalisations de centres multimedias s'inscrivent dans une démarche de services publics et répondent, sinon à une "attente", du moins à une craintes clairement exprimée par la population de voir le projet dériver vers une logique à dominante marchande.

Le premier centre, dénommé Armand Jubien, ouvert depuis près d'un an, s'adresse en priorité aux publics qui connaissent des difficultés sociales et cible implicitement des groupes proches des "réservés-méfiants" originellement identifiés. Le fait qu'il s'agisse d'une concrétisation visible du projet, la gratuité des services qui y sont proposés, le tutorat, le "design", la situation dans la ville..., tous ces éléments apportent de premiers éléments de réponses aux "attentes" formulées par ces "types", et traduisent dans les faits, le projet politique affiché par le maire d’une "numérisation de la ville pour tous", sans exclusions.

Reste que des "attentes" en matière "d'équipement domestique privé" coexistent avec celles relatives à un service public, gratuit ou peu onéreux, et respectueux des perspectives sociales, culturelles....affichées. L'opération "mille micros", annoncée par le maire, dans le cadre de la prochaine étape du projet -la ville se rendant acquéreur de micros qu’elle louerait ensuite à la population intéressée avec un modem et un accès à Internet, pour un prix voisin d’une location d’un décodeur TV...-, permettra de tester la validité des "zones de partage" dégagées à partir des typologies et de positionner avec plus de précision des offres de services spécifiques reliées à diverses logiques sociales. Elle devrait également permettre d'anticiper sur la "sanction" des "utilisateurs finaux", dès lors que le processus de mise en adéquation offre/demande continuera à être observé avec précision et méthode par des chercheurs en sciences sociales.

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