La Société urbaine de Communication, textes sélectionnés



Les figures d’usagers dans des contextes d’expérimentation sociale des Tic

De l’usage raisonné des " Huccs " *
ou...
... quand les chercheurs en sciences sociales sont chargés d’observer les habitants, les usagers, les citoyens et, pour faire bonne mesure, les consommateurs dans une ville expérimentatrice en matière de Tic ...
tout ceci dans un contexte de " recherche-action " **.
Ce texte a été inspiré d’un travail réalisé pour le Séminaire du Pôle Ville sur les Urbanités numériques et a été publié dans " Les Papiers du Pôle Ville " dans sa version initiale. La version présentée ici a subi quelques modifications.


Habitants, usagers, citoyens, consommateurs... sont des unités de catégories très classiques d’une population qui, lorsqu’elle se trouverait dans des contextes d’expérimentation en matière de communication électronique, serait amenée à évoluer vers des figures d’un nouveau genre ou d’un nouveau type, sans que l’on sache très bien s’il s’agit là d’archétypes, de stéréotypes, d’idéal-types voire de prototypes.

Archétypes, stéréotypes, idéal-types ou prototypes..., soient des figures très tranchées, a priori faciles à distinguer ; des figures qui sont en fait des " modèles " dont on ne sait pas très bien, quels sont l’origine, la signification, le degré de congruence et la capacité à perdurer au-delà du temps de l’expérimentation si on ne fait pas l’effort, au préalable de se poser la question de leurs définitions, de leurs emplois et de leurs positions dans le processus même de l’expérimentation. On considérera donc ici comme point d’entrée la question de l’expérimentation en prenant appui sur les villes qui expérimentent de nouveaux modes de socialité à partir de la communication électronique.

Un premier tri est possible à partir de la figure qui se dégage des dynamiques sociales induites par l’expérimentation si on considère cette expérimentation comme un événement particulier dans la vie sociale, limitée dans le temps et dans l’espace, ayant des buts particuliers, en matière de production, par exemple, " d’objets innovants ". Cette expérimentation introduit dans la société toute une série de données, de sollicitations, elle intègre et exclue des attitudes et des actions possibles en fonction des objectifs dont elle s’est dotée. En se conformant ou non à ces objectifs, les personnes auxquelles elle s’adresse s’orientent vers telle ou telle " figure " en se classant, par exemple dans un spectre " d’attitudes " (de l’adhésion au rejet en passant par toutes les " colorations " intermédiaires). Dans ce cas, dès que l’expérimentation s’arrête, ces figures devraient se lisser et se rapprocher des " normes sociales " avant ou hors expérimentation. On peut donc en déduire que, en l’espèce, les figures sont des normes temporaires ou éphémères, construites par l’expérimentation. Dans le cas qui nous occupe, ce sont des normes qui fonctionnent dans la relation entre habitants, usagers, citoyens, consommateurs et expérimentations. Tour à tour, ou plus exactement, dans un jeu de substitution permanent entre les normes habitantes, usagères, etc. et les objectifs de l’expérimentation, ces figures deviennent elles-mêmes des " objets " de l’expérimentation. Celle-ci effectue naturellement un tri raisonné et détermine les figures pertinentes, c’est-à-dire en congruence avec ses objectifs. Si on reprend notre exemple des figures attitudinales, elle posera en norme (qu’il s’agira d’essayer de pos er en " modèle à imiter "), la figure des " adhérents ", des " favorables "... Nous sommes là dans un " type " d’expérimentation qui est proche du type industriel en quête d’un nouveau marché à partir du développement d’un produit innovant. Le modèle sert à construire un moule, qui permettra de reproduire le modèle sur une échelle qui n’aura plus rien à voir avec celles de l’expérimentation. Cette dernière devient dès lors un test, un mode de gestion de la Recherche/Développement sur un marché-type.

Un deuxième tri possible est celui qui se dégage à partir du moment où l’on peut concevoir que l’expérimentation n’est pas extérieure au social mais produite elle-même par le social. Si l’on peut admettre que l’expérimentation ait valeur de matrice dans laquelle interviennent plusieurs déterminants, tels que l’offre technologique, les réactions des usagers, le rôle des médiateurs dans la mise en relation de l’offre et de la " demande "... si l’on admet en outre que l’expérimentation n’ait pas pour seul objectif de produire des " objets ", mais aussi de provoquer des attitudes ou des comportements, dans ces conditions, si l’expérimentation reste circonscrite dans le temps, elle s’affranchit de ses limites temporelles, elle devient réellement matrice, c’est-à-dire lieu de gestation. L’innovation n’est plus un objet mais un ensemble de pratiques qui se sont révélées, ont pu être provoquées par l’ensemble des sollicitations, des modes de valorisation de l’expérimentation. Le contexte de l’expérimentation continue à opérer une sélection dans l’ensemble des figures possibles, en cherchant en quelque sorte à " recruter " les figures les plus pertinentes par rapport à son ou à ses projets. Quand l’expérimentation s’arrête officiellement, en fait, elle perdure par les dynamiques, les formes d’organisation qu’elle a pu susciter.

Un troisième tri, enfin, est celui qui s’explique par la nature du travail de recherche. La construction en " figures " représente une tentative de classification des groupes sociaux. Ces figures deviennent alors des " objets " produits par la recherche et ont surtout une valeur heuristique, c’est-à-dire qu’elles informent sur la population et sur les relations que celle-ci a avec l’expérimentation. Elles ne correspondent plus alors forcément au produit de l’expérimentation dans la mesure où elles ne doivent plus se conformer strictement à la relation qu’elles entretiennent avec elle, ce sont des catégories qui permettent une lecture analytique de l’ensemble des processus qu’il s’agit de prendre en compte. Par contre, s’il s’agit de distinguer les figures entre elles, il ne s’agit pas de les hiérarchiser, ni, a fortiori, d’opérer une sélection entre les attitudes et les comportements possibles au sein de la population. Les figures de " rejets " ou de " dénonciation " de l’expérimentation ont ici la même pertinence, le même intérêt que les " favorables " et les " adhérents ".

Si l’on accepte ces prémisses, on peut alors considérer que le premier tri a pour conséquences un découpage théorique de la population située dans le contexte de l’expérimentation en " archétypes " ou, quand le découpage est mal fait, en " stéréotypes ". Le deuxième tri produirait quant à lui des " prototypes " tandis que le troisième, ici dans un clair héritage weberien, des " idéal-types ".

En fait, dans ce genre de situation où les chercheurs sont conviés, dans les termes d’une " recherche-action " à observer ce qui se passe dans les sociétés qui expérimentent des techniques d’information et de communication (Tic dans la suite du texte), il est évident qu’il faille envisager tout à tour l’ensemble de ces tris possibles afin de ne pas tomber dans le piège de la production de " stéréotypes ". On retrouve ici trois écueils classiques :

Le premier tient à la dynamique même de l’expérimentation. Celle-ci modifie substantiellement les attitudes et les comportements. Le fait que les acteurs sociaux se sachent l’objet de toutes les attentions, qu’ils soient " observés ", tend à leur conférer à la fois une importance et des responsabilités inédites... Le contexte de l’expérimentation détermine dans des proportions difficiles à appréhender les dynamiques sociales sur lesquelles repose l’expérimentation elle-même. C’est là un constat très classique, formulé déjà par la sociologie des organisations notamment 1.

De ce point de vue, l’observation scientifique des " changements sociaux " inscrits dans la dynamique de l’expérimentation doivent avoir recours à des méthodes comparatives à la fois diachroniques et synchroniques qui devraient permettre d’isoler et de soustraire les dynamiques suscitées " directement " ou " indirectement " par la phase d’expérimentation. Sur le thème qui nous occupent, les " expérimentations en matière de socialité électronique ", cette méthode est difficile à appliquer, ne serait-ce que parce qu’il est presque illusoire de vouloir extraire les dynamiques intrinsèquement liées au processus de l’expérimentation, parce qu’il n’existe pratiquement pas de site d’expérimentation où celui-ci (le processus) n’imprime sa marque. L’autre méthode consiste à étendre l’observation scientifique au-delà du temps dévolu à la phase d’expérimentation. C’est là une autre difficulté dès lors que cette observation s’inscrit dans les termes de la " recherche-action et que celle-ci participe précisément de l’expérimentation et doit en toute bonne logique ne pas survivre à ce contexte particulier.

Le deuxième écueil est très connu, il tient à la dialectique de la construction scientifique entre l’approche nomologique et l’approche idiographique. Les contextes d’expérimentation étant par leur nature même, relativement rares, il est souvent bien difficile de sortir des contraintes de l’étude de cas et de la recension d’un matériau empirique. Le danger en l’occurrence est d’accepter comme une donnée de fait que ce qui se passe dans le contexte de l’expérimentation soit difficile voire impossible à comparer avec ce qui passe ailleurs... dans d’autres contextes. La construction de l’originalité même de l’objet de la recherche est alors une facilité séduisante mais qui ne manque pas de déformer l’objet à l’usage de tout type de démonstration.

Le troisième écueil relève de la nature même de ce que l’on cherche à observer ou, plus exactement, de la perspective problématique dans laquelle s’inscrit l’observation. D’emblée se pose un problème épineux, au centre de nombreux débats :

- Y a t il évolution des modes de socialité par le fait de la communication électronique
ou
- l’évolution sociale rend-elle pertinente la multiplication des usages de la communication électronique ?

Au-delà de l’affrontement bien souvent stérile entre ce que l’on pourrait identifier, en écho à la première question, comme du déterminisme technologique et, en écho à la deuxième, comme du déterminisme social, il nous est apparu nécessaire de poser la question de façon un peu différente.

Figures plurivoques et ambiguës

Quand on cherche à relier la question de l’expérimentation et celle de la socialité électronique, on accroît les difficultés. Schématiquement, on retrouve trois registres de questions concernant les habitants, usagers, citoyens consommateurs (pour la clarté de l’exposé, on les appellera les " Huccs ") qui nous ramènent à nos prémisses :

  • ces habitants, usagers, citoyens... consommateurs sont-ils des " Huccs " dans l’expérimentation ?
  • sont-ils des " Huccs "... expérimentateurs ?
  • sont-ils des " Huccs " expérimentaux ?

Or, dans de nombreux travaux contemporains, pour les besoins de la démonstration mais aussi parfois pour des raisons stratégiques ou idéologiques, ont réduit la figure complexe des " Huccs " dans des proportions qui la pervertissent totalement.

Ainsi, on pourrait avancer que " l’homme numérique " de Nicholas Negroponte 2 ; " l’homme spectral " de Marc Guillaume 3 ; l’homme " pressé " 4 de Paul Virilio ; le " Lawnmower Man " 5 qui, chez William J. Mitchell doit se substituer à " l’homme vitruvien " ; l’homme " sans qualité " et " transhumain " de Jean Chesneaux (" l’intense jubilation théorique de l’homme sans qualité qui navigue à vue dans le transhumain expansé ") 6 ; l’homme " transcendantal " de Philippe Breton 7 ; voire " l’homme cybernétique " redouté par le sénateur Franck S&eac ute;rusclat 8 sont des figures théoriques qui ne font écho qu’à l’une de nos catégories 9; celle des " Huccs " expérimentaux, c’est-à-dire, en gros, celle de l’homme nouveau ou du mutant. De la même façon, la plupart des études qui portent sur l’analyse des modes de socialité dans le " cyberespace " s’intéressent à cet homme nouveau tout en l’isolant des autres catégories , sans que jamais celles-ci n’aient été fondamentalement évoquées, sans que jamais ne soit établie la démonstration que le " Huccs " expérimental allait fatalement prendre le pas sur les " Huccs " dans les expérimentations ou les " Huccs " expérimentateurs.

Questions auxquelles se rajoutent celles des frontières qui constituent les lignes de démarcations entre habitants et usagers, entre habitants et citoyens, entre usagers et citoyens.... Bref, les questions sont légion. Là aussi, l’exercice qui consiste à isoler une catégorie en postulant son étanchéité vis à vis des autres reste usuel. On peut ainsi ne retenir qu’un aspect de la vie en société, la citoyenneté par exemple et inférer que la citoyenneté placée dans le contexte d’une expérimentation à grande échelle comme celle engagée par le développement rapide de l’Internet aux Etats-Unis fasse apparaître une nouvelle catégorie, celle du " Netizen " 10 (pour " Networked Citizen ") dont on postulera qu’elle a des attitudes, des comportements, des jugements différents du reste de la population. Si on s’intéresse non plus à la " citoyenneté " mais strictement aux " usagers ", la version la plus accomplie de l’usager des réseaux donnera une figure également emblématique de ce l’on cherche à démontrer (soit une révolution ou une mutation sociale) : le Hacker. On pourrait facilement objecter que, dès le départ, ces populations qui ont migré ou muté pour donner la figure du " Netizen " ou du " Hacker " avaient un certain nombre de traits distinctifs 12 mais peine sera pe rdu e tant que l’on admettra a priori la stance de la mutation globale ou générale car on ne pourra pas davantage prouver que ce que d’aucuns voient comme un prototype pourrait n’être qu’un stéréotype.

Le fait de considérer les " Huccs dans l’expérimentation " peut amener a contrario à mettre en perspective d’un côté les " Huccs ", de l’autre l’expérimentation. Malgré leur appellation étrange, les " Huccs " sont alors ceux que l’on connaît traditionnellement. Ils vivent dans un contexte d’expérimentation mais celle-ci serait comme extérieure à leurs qualités plurivoques et ambiguës d’habitants, de citoyens, etc. En gros, cette position consiste à considérer que le changement est induit par le caractère exceptionnel de l’expérimentation. Mais, tel un phénomène de mode, les changements opérés dans le registre de cette expérimentation seraient amenés à s’estomper rapidement une fois la mode passée et l’expérimentation essoufflée. Ce type de perspective a donné beaucoup moins de littératures que la précédente. Non qu’elle soit moins pertinente, non plus qu’elle soit fondamentalement tributaire d’une vision conservatrice du social, mais plutôt parce que mettant systématiquement en doute le rôle des Tic dans la transformation du social elle a quelques difficultés à exister dans un contexte d’expérimentation, sinon en complet décalage avec celle-ci. De fait, les analyses qui vont dans ce sens sont généralement produites plusieurs années après que l’expérimentation qu’il s’agit d’étudier se soit arrêtée et mettent plus généralement en lumière les continuités de l’histoire sociale que les ruptures.

L’approche que nous avons cherché à développer quant à nous est celle qui se traduit dans l’expression des " Huccs " expérimentateurs. Ceux-ci ne sont pas postulés comme des prototypes, pas davantage comme des archétypes. Ils ne sont pas non plus artificiellement disséqués en " utilisateurs ", " habitants ", " usagers " ou " consommateurs ". S’il y a bien des pratiques habitantes qui se distinguent des pratiques d’usages, des pratiques citoyennes et des pratiques de consommation, ces distinctions, ne constituent pas toujours de bonnes questions de recherche ou, plus exactement, chacune de ces catégories de pratiques participent des dynamiques sociales. Or, dans la question de la socialité électronique, il s’agit bien de se poser celle des dynamiques sociales.

A l’épreuve des réalités du terrain

Lorsque nous avons été amenés à participer, dans les termes d’une recherche-action, à l’une des expérimentations en matière de socialité électronique à la fois des plus ambitieuses et des plus médiatisées qui soit en France depuis ces dernières années (Parthenay dans les Deux-Sèvres... évidemment), nous avons dû affronter cette série de questions.

La mission qui nous a été confiée, dès 1995 et qui se poursuivra jusqu'à la fin de l’an 2000, consiste entre autre à analyser les " attentes " de l’ensemble de la population vis à vis de la communication électronique. En fait, cette population doit se situer au regard d’une série d’offres technologiques proposées par le consortium des industriels associés à l’Administration locale (le District de Parthenay) ; elle doit en outre faire évoluer ces offres en émettant des signaux que les chercheurs doivent interpréter de façon à les rendre intelligible dans une logique de production industrielle et districale comme dans une logique de production de services marchands et de services publics.

Le rôle de l'équipe de recherche a consisté à dresser un état des "attentes" des différentes composantes de la population de Parthenay en matière d'utilisation de Tic. Cette problématique des "attentes" se distinguant de celles des "besoins"- le besoin étant ce qui précède la "demande" et motive la décision d'acquisition ou d'utilisation des usagers/consommateurs -, il ne s'agissait pas de réaliser une enquête de type marketing. En effet, le besoin ne pouvait s'exprimer en l'absence d'une offre technologique - d'un marché -, où viendraient s'articuler offres et demandes.

L'entrée par les "attentes" supposait une recherche en amont sur les conditions sociales qui déterminaient leurs expressions. Il s'agissait donc de procéder en premier lieu à une approche des pratiques sociales et des réseaux sociaux. Que les populations aient des attentes, résultant de leurs diverses insatisfactions, de leur recherche de solution à tel ou tel problème, de leur souhait de dynamiser leur projet... etc. était fort probable. Cependant, au moins au début de l’expérimentation, il ne pouvait guère être question de leur demander de positionner ces attentes vis-à-vis d'une "offre technologique" en Tic qui était à ce moment là plus ou moins abstraite et intelligible selon les différentes catégories d'acteurs.

Certaines attentes étaient plus pressantes et plus construites que d'autres, et des questions directes sur les Tic, posées de façon trop abrupte, risquaient fort de ne laisser s'exprimer que des stéréotypes, fantasmes ou réticences. En effet, pour une personne au chômage, l'attente principale est généralement de trouver ou retrouver du travail. Pour une personne âgée ou handicapée, ce peut être de remédier à son isolement, d'acquérir ou de retrouver une certaine indépendance dans les différentes démarches de la vie quotidienne. Les interroger sur des attentes vis-à-vis des Tic, pouvait en première analyse, apparaître comme très secondaire eu égard à leurs préoccupations quotidiennes fondamentales. Si on pouvait imaginer que les Tic puissent répondre à certaines de ces attentes, il convenait donc, dans un premier temps, de s'interroger sur les constructions sociales de celles-ci. C’est ainsi qu’une étude des pratiques sociales, relatives à l'espace public, à la technique (dans son sens large) et aux réseaux sociaux (groupements divers, réseaux de solidarité... etc.), a permis de mettre en perspective les attentes exprimées par la population, en les replaçant dans leur contexte social, dans le caractère plurivoque et ambigu des figures qu’elles pouvaient adopter selon la position qu’elle adoptait (habitant, usager, citoyen ou consommateur).

Notre souci était d'affiner la vision des industriels et de la collectivité - qui est en situation d'intermédiaire entre ces industriels et les citoyens/usagers potentiels -, et de les prémunir contre toute vision trop construite a priori de ce que seraient les "besoins potentiels", pour éviter que ces a priori ne débouchent sur des expressions trop déconnectées des pratiques sociales. Il est clair en effet, que les usages d'une technique sont fortement influencés par le contexte social qui leur donne une certaine cohérence. La prise en compte de ce contexte devient alors essentielle pour favoriser les conditions d'une socialisation des ces techniques. Autrement dit, au-delà de la présentation par nous d'une liste de recommandations/ préconisations à destination du Consortium des industriels et du District de Parthenay, il s'agissait aussi pour nous, de créer les connaissances nécessaires pour faciliter la socialisation des offres technologiques.

Les " figures " que nous avons identifiées ont été construites à partir de plusieurs registres de questions, celles-ci ayant été posées lors d’un vaste questionnaire, adressé au 7 000 foyers du District pendant l’année 1996. Notre construction en " figures " a été conçue comme devant assumer à la fois sa plurivocité et son ambiguïté à partir du croisement de trois quatre registres de questions ayant abouti aux classifications suivantes :

  1. l’attitude vis-à-vis de l’expérimentation
  2. l’insertion dans la vie locale
  3. la culture technique
  4. les attentes vis-à-vis des Tic.

C’est ainsi que ceux que nous avons construits comme " les favorables " étaient non seulement ceux favorables à l’expérimentation (classification 1), mais ce sont par ailleurs, dans une large mesure ceux qui se retrouvent dans la figure des " acteurs " ou " relais " de la vie locale, fortement intégrés dans une démarche citoyenne, participant activement aux projets lancés par le District (2) ; ils se retrouvent également dans la figure des " experts "(3), ceux qui sont à l’aise dans l’univers technologique, qui sont curieux des innovations... ; et ce sont eux qui " attendent " des Tic de la " reliance sociale " (4). Bien entendu, ces figures de "favorables " ; " acteurs/relais " ; " experts " et " en attente de reliance sociale " ne sont jamais en totale correspondance mais les intersections sont toutefois significatives. La " métafigure " qui s’exprime à partir de là est donc construite sur des valeurs moyennes, à partir de degrés de corrélation dans le traitement statistique des réponses au questionnaire. Elle n’est certes pas d’un usage facile mais elle a l’intérêt, à notre avis évident, de relier des éléments d’information sur le monde social en face de l’expérimentation et donc d’informer sur l’insertion de cette expérimentation dans le champ local.

Cette configuration du monde social dans le champ local de l’expérimentation aura-t-elle pour vertu d’éviter l’apparition des " Huccs expérimentaux " et des " Huccs dans l’expérimentation " au bénéfice de la mise en exergue des habitants, des usagers, des citoyens et des consommateurs expérimentateurs ? C’est l’espoir et l’ambition que nous formulons.



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