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Le fossé numérique : l'internet facteur de nouvelles inégalités ?
Auteur: Michel Elie
Publié: 04 Jan 2004
Version: 0.03
ID article: 20
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Titre :

Le fossé numérique : l'internet facteur de nouvelles inégalités ?

Auteur : Michel Elie

Organisation : Observatoire des Usages de l'Internet

Type de document : Article

Référence : Problèmes Politiques et Sociaux, numéro 861, Documentation Française

Date: 10 août 2001

Commentaire de l'OUI : Cet article fait partie du numéro de la revue PPS "Le fossé numérique. L'internet, facteur de nouvelles inégalités"

Résumé 

Réduire le fossé numérique est un impératif dont les gouvernements et les grandes organisations internationales prennent peu à peu conscience. Mais la démocratisation de l'Internet peut-elle partout emprunter les mêmes voies?

Les mécanismes économiques qui ont permis aux pays industrialisés de se doter de puissantes entreprises de télécommunications risquent de n'être guère opérants dans les pays les plus pauvres pénalisés par une carence en infrastructures de réseau, des coûts d'accès trop élevés et un niveau de formation insuffisant des populations. Ils risquent de ne pouvoir ni exploiter efficacement les informations disponibles sur le réseau ni l'utiliser eux-mêmes comme un moyen d'expression de leur culture et de création d'usages adaptés à leur environnement

Article

Plus d'un tiers des Français disposent aujourd'hui d'un micro-ordinateur à domicile et 23 % se connecteraient à l'Internet.

Contrairement aux utilisateurs de téléphone portable, la population des internautes est fortement corrélée avec l'âge, les niveaux de revenu et de diplôme. Peut-on alors parler d'un « fossé » ou d'une « fracture numérique », qui serait en quelque sorte le miroir de la fameuse « fracture sociale », voire son amplification ?

Plus préoccupante encore est la situation au niveau mondial : le taux de personnes connectées au réseau varie, selon les estimations, entre 5 % et 6 % de la population mondiale. A eux seuls, les Etats-Unis et le Canada, qui représentent 5 % des habitants de la planète, regroupent de 40 à 50 % des utilisateurs de l'Internet et les pays de l'Union européenne près de 25 %, avec une population légèrement supérieure. Le Japon se situe à peu près au même niveau avec près de 1 500 utilisateurs pour 10000 habitants. Ainsi, l'immense majorité, soit 5,7 milliards de personnes environ, restent à l'écart de la société de l'information.

Le même constat s'impose pour la répartition du nombre de serveurs à l'échelle de la planète. Sait-on, par exemple, qu'il y a plus de serveurs connectés dans l'Etat de New York que sur l'ensemble du continent africain ? Des estimations plus globales permettent de distinguer trois groupes de pays ou de régions : l'Amérique du Nord (en 1999, pour 100 habitants : 18 serveurs (1)), l'Océanie (4,5 serveurs), l'Union européenne (2,3 serveurs) et le Japon (2,1 serveurs) ; un second groupe où l'on trouve l'Afrique du Sud (en 1999, pour 1 000 habitants : 4,2 serveurs), l'Europe de l'Est (2,3 serveurs) et l'Amérique latine (0,4 serveur) ; enfin, l'Asie, hors Japon (en 1999, pour 10000 habitants : 4,6 serveurs) et l'Afrique, hors Afrique du Sud (0,2 serveur). Comment ne pas s'inquiéter, au vu de ces chiffres, de l'existence d'un fossé numérique entre.pays riches et pays pauvres dont certains observateurs redoutent qu'il né s'aggrave encore avec la déréglementation du marché mondial des télécommunications et la concentration des infrastructures de la nouvelle économie aux Etats-Unis ?

II y a cependant un paradoxe à présenter les nouvelles technologies de l'information comme un facteur inévitable d'aggravation des inégalités. D'abord parce que l'Internet permet d'acheminer des informations à un coût inférieur au téléphone ou au fax. En effet, le numérique, sur lequel est fondé l'essor de l'Internet, est une technologie unificatrice, source d'économies d'échelle : toute information, qu'elle se traduise physiquement par un signal continu ou discontinu, peut s'exprimer sous une forme numérique binaire, c'est-à-dire par une suite de 0 et de 1. Tout progrès dans le traitement de ce mode universel de représentation, par exemple en ce qui concerne les techniques de compression, bénéficiera désormais à tous les types de données. Le « tout numérique » inaugure une ère de rationalisation autour du « langage binaire ». La parole numérisée peut être comprimée, acheminée, traitée par les mêmes infrastructures que les documents multimédias : c'est sur cette « intégration voix-données » que reposent les services et les performances de l'Internet de demain.

Unificateur, l'Internet devrait l'être aussi dans ses effets : il contribue à effacer les frontières, à supprimer les cloisonnements, naturels ou artificiels, ceux de la géographie, de la langue, de la politique, il fluidifie les relations sociales, substitue dans les organisations une vision plate, horizontale et globale à une vision hiérarchique, verticale, fragmentée. Il peut apparaître à certains comme un outil de libération de la société, mais aussi, si l'on n'y prend garde, devenir un nouvel instrument de domination, de normalisation, de propagation des conceptions et des analyses au service exclusif de ceux qui détiennent le pouvoir économique. Il est donc nécessaire d'observer attentivement le phénomène Internet, non seulement du point de vue quantitatif, mais aussi du point de vue qualitatif, celui de ses usages et de leurs impacts sur la société.

Or, dans ces domaines, les analyses sont encore trop peu nombreuses et les données quantitatives trop souvent établies selon des méthodes qui ne sont pas rendues publiques. Les résultats sont diffusés sans y associer l'information nécessaire à leur compréhension. Pour une donnée aussi simple que le nombre d'internautes aux Etats-Unis, les chiffres oscillent, selon les sources, entre 40 % et 53% de la population. Si on commence cependant à disposer de données quantitatives sur l'Internet malgré des imprécisions dans la définition des variables, on est loin d'un consensus sur des indicateurs concernant ses effets qualitatifs, dont l'étude est encore balbutiante. Ainsi, en ce qui concerne l'analyse du fossé numérique aux Etats-Unis, certains chercheurs américains insistaient en 1998 sur l'importance de l'appartenance à une minorité ethnique ; d'autres affirmaient au contraire que, à condition économique égale, les membres de la majorité et des minorités américaines se comportaient de façon équivalente face à l'Internet. Cependant, le tout récent rapport du ministère du Commerce américain (Falling through the Net: Toward Digital Inclusion) s'inquiète de l'écart croissant en matière d'accès aux nouvelles technologies de l'information entre population blanche et population noire ou d'origine hispanique.

Réduire le fossé numérique est un impératif dont les gouvernements et les grandes organisations internationales prennent peu à peu conscience. Mais la démocratisation de l'Internet peut-elle partout emprunter les mêmes voies?

Les mécanismes économiques qui ont permis aux pays industrialisés de se doter de puissantes entreprises de télécommunications risquent de n'être guère opérants dans les pays les plus pauvres pénalisés par une carence en infrastructures de réseau, des coûts d'accès trop élevés et un niveau de formation insuffisant des populations. Ils risquent de ne pouvoir ni exploiter efficacement les informations disponibles sur le réseau ni l'utiliser eux-mêmes comme un moyen d'expression de leur culture et de création d'usages adaptés à leur environnement.

A un degré moindre, on retrouve ces problèmes dans les pays industrialisés : à l'heure où de plus en plus de services basculent sur la Toile, aggravant ainsi l'exclusion de ceux qui n'y ont pas accès, leur solution suppose une action publique énergique tant au niveau local que national. S'il faut multiplier les points d'accès publics, généraliser l'Internet
à haut débit, il faut aussi davantage se préoccuper du développement d'usages à forte plus-value sociale, culturelle et citoyenne.

Extrait du numéro 861 de la revue "problèmes politiques et sociaux",
publiée par la Documentation Française, 10 août 2001
Michel Elie (Observatoire des Usages de l’Internet)



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