LA METHODOLOGIE DU DÉBAT AFTIDEV | ||
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LA METHODOLOGIE DU DÉBAT AFTIDEV par Ellen S. Kole 25 février 2001 Le débat sur Internet d’AFTIDEV a eu lieu de septembre à décembre 2000. Le forum a servi de plate-forme pour discuter des notions de « Transfert et maîtrise sociale des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en Afrique ». La première partie de ce document donnera des informations générales sur les participants, décrira la dynamique du débat et exposera les réactions que ce dernier a suscitées. La seconde partie est une synthèse du contenu des discussions. Nous souhaitons souligner que les questions abordées s’appliquent aussi bien à d’autres continents en développement qu’à l’Afrique. Au delà des aspects techniques, ce sont des questions tout particulièrement liées aux relations internationales et au développement. Participants et messages Plus de 150 personnes se sont inscrites au forum AFTIDEV, alors que d’autres ont lu les messages sur le site Internet. Les internautes peuvent avoir une tendance à l’anonymat – certains participent au débat en ne s’identifiant qu’avec une adresse électronique incompréhensible. En conséquence, nous n’avons pas d’informations complètes en ce qui concerne 1/3 à 1/4 des participants. Malgré ces données manquantes, nous vous présentons des ébauches de tendances sur les participants au forum identifiés. La majorité d’entre eux (55 à 60 %) viennent d’Afrique. Plus de 35 % sont Européens et les autres sont originaires d’Amérique latine et du Nord. Au moins 6 des participants sont membres de la Diaspora Africaine. Avec 28 personnes, la France est le pays le mieux représenté, suivi par le Sénégal (16 inscrits). En tout, les citoyens d’au moins 29 pays ont participé. La plupart de ces pays sont francophones : presque 75 % des inscrits au forum ont le français comme langue nationale. L’anglais est une langue nationale pour à peu près 20 % des participants. Environ 2/3 des inscrits sont des hommes, et 1/3 des femmes. La société civile est la mieux représentée : 40 à 50 % des inscrits du forum sont des membres actifs d’organisations non gouvernementales (ONG), de réseaux, d’associations ou autres organes de la société civile. Un peu moins de 1/4 des participants sont des universitaires. Le reste (en ordre décroissant) des participants représentent des organisations (inter)gouvernementales, le secteur privé ou sont des professionnels indépendants. Il faut noter qu’un nombre significatif de participants sont actifs dans plus d’un de ces secteurs ; un chevauchement qui « reflète mieux la réalité Africaine », remarque un participant. La moitié des inscrits du forum manifestent un intérêt dans les TIC, Internet, les télécentres, la communication etc. ; 12 autres participants sont intéressés par l’information, la documentation et/ou le journalisme. D’autres intérêts récurrents sont : le développement et/ou la coopération internationale (36 fois), les femmes, filles et/ou le genre (13), et l’Afrique (10). Malgré un grand intérêt pour le débat, 100 messages seulement ont été envoyés pour contribuer à la discussion. Quinze de ces contributions proviennent de l’équipe d’animation du forum, ainsi que 8 messages techniques. Comme précédemment, il manque des données concernant certains messages en raison de l’anonymat du participant. Nous attirons en outre votre attention sur le fait que la composition des inscrits d’AFTIDEV a une influence sur les ébauches de chiffrage qui suivent. Les contributions de l’équipe sont exclues de ces chiffres. Parmi les 150 inscrits du forum AFTIDEV, 35 personnes ont contribué activement à la discussion – chacun ayant envoyé 2 messages en moyenne. Ces chiffres concernent un peu plus d’hommes que de femmes (38 contre 28 envois). Malgré une majorité d’inscrits francophones, environ la moitié des messages sont en français et l’autre moitié en anglais. Les Africains ont envoyé exactement 50 contributions. Presque quarante messages proviennent d’Européens et le reste de Nord-américains – dont plusieurs Africains émigrés. Comme pour les inscriptions au forum, la société civile est la mieux représentée dans les discussions, suivie par les universitaires, les organisations (inter)gouvernementales, le secteur privé et pour finir les professionnels indépendants. La discussion est structurée autour de six thèmes reliés entre eux, qui sont présentés dans la prochaine section. Deux modérateurs – un venant d’Afrique et l’autre d’Europe – ont introduit chaque thème par des questions suscitant la réaction des participants. Le débat a atteint un sommet avec 28 messages pour le second thème de discussion, « Participation et prise de décision dans la coopération Nord-Sud ». Les autres thèmes ont engendré plus ou moins 15 messages chacun, bien que les nombres aient tendance à diminuer avec le temps. Le débat ayant terminé durant la saison estivale, peu de participants ont répondu à notre demande de retour sur le forum. Cependant les réactions que nous avons reçues démontrent l’utilité du forum AFTIDEV : • « Félicitations pour la manière dont vous avez animé les discussions. Je les ai toutes suivies. Beaucoup des questions soulevées peuvent s’appliquer à ma situation. » (Victorine Djitrinou, Côte d’Ivoire) • « Bravo pour ce forum AFTIDEV. J'ai appris beaucoup. Les échanges furent productifs et courtois, ce qui n'est pas toujours le cas sur le Net. » (Elisabeth Piotelat, France) • « Le forum AFTIDEV a été mon initiation au débat électronique. J’ai beaucoup appris sur l’utilité de cette forme de discussion. Un des atouts indiscutables des nouvelles technologies de l’information et de la communication est la VITESSE ! J’ai souvent été désespérée par le manque apparent d’urgence quand il s’agit de questions de vie ou de mort pour le développement – ceci est peut-être la réponse… maintenant en Afrique nous pouvons informer le monde avec quelques clics combien de personnes sont en danger et où. Si c’est un des objectifs premiers de la formation aux TIC, toute personne raisonnable peut contribuer à en faire un succès. » (Malele Dodia, Zambie) • « J’ai été sensibilisée à mon handicap… et je vais trouver un interlocuteur francophone compétent afin de pouvoir continuer à profiter des nouvelles “voix” de collègues Francophones. » (Malele Dodia, Zambie) • « J’ai trouvé les discussions intéressantes, avec un bon mélange de gens et de points de vue. » (Suzanne Fogg, Royaume Uni.) • « J’aimerais féliciter les instigateurs [du débat AFTIDEV] parce que, dans les pays francophones, nous n’avions pas eu l’opportunité de discuter sur les perspectives des NTIC pour le développement. » (Pierre Dandjinou, Bénin) • « Ce forum est tout à fait vital pour notre partage d’idées. » (Senyo Adjibolosoo, U.S.A.) • « Je me réjouis de l’intérêt que démontrent les participants. » (Raphaël Ntambue-Tshimbulu, Belgique) Le débat Maintenant, abordons le débat. Ce qui suit est une synthèse des contributions aux 6 thèmes de discussion, présentés de façon séquentielle. La plupart des contributions du forum sont complexes, et notre synthèse est nécessairement partiale. Alors que les participants ont soulevé bien de questions et de problématiques, nous nous sommes concentrés sur leurs expériences et leurs contributions créatives. Les groupes cibles du développement Le débat s’est d’abord intéressé aux personnes directement concernées par la coopération au développement : les groupes les plus pauvres et marginalisés de l’Afrique. Par exemple les femmes, la population des zones rurales, les illettrés et la jeunesse. Nous observons que les projets TIC ne bénéficient pas nécessairement à ces groupes. Ibra Sene ouvre le débat : « Je suis profondément convaincu qu'il n'est pas du tout juste que certains groupes sociaux africains ne puissent profiter de ces TIC, alors qu'elles peuvent beaucoup leur servir. » Tous les participants approuvent, bien qu’ils reconnaissent les réalités africaines. Marie Helene Mottin-Sylla, du même pays, clarifie : « Quand nous [Enda-Synfeev] avons compris (en 1994) l'immense intérêt que les TIC pouvaient présenter pour les femmes, nous aurions bien voulu entamer directement des activités avec les femmes des organisations communautaires de base. Malheureusement, à l’époque, cela aurait nécessité de surmonter bien des obstacles : l’analphabétisme dans les grandes langues de communication internationale (anglais et français), l'absence d’équipement de base de ces groupes (électricité, souvent ligne téléphonique, sans parler d'ordinateur ni même de modem)... Ce pourquoi nous avons opté pour une approche plus pragmatique et nous avons commencé à travailler avec les ONG de femmes (en Afrique francophone) qui sont actives sur les causes des femmes et qui rencontrent elles-mêmes beaucoup de difficultés pour s'approprier les TIC […] ». Bien des participants partagent son approche du travail avec des intermédiaires locaux comme les ONG, les centres communautaires, les villageois initiés aux TIC, les réseaux de femmes et les jeunes qui sont contemporains des TIC. Le Kenyan Henry Waruhiu décrit le rôle des intermédiaires comme suit : « La facilitation consiste à se concentrer sur les idées qui émergent des communautés cibles, en fournissant les financements, les formations, ainsi qu’à évaluer le processus de mise en oeuvre de pareils projets et l’impact en résultant. Le point essentiel est d’orienter le projet vers les besoins de la communauté. […] Les exigences pour le facilitateur : sensibilisé au genre, avec de bonnes techniques de mobilisation communautaires, de grandes qualités dans les relations interpersonnelles et de préférence originaires de la communauté où les TIC doivent être introduits. » Les participants ont proposé beaucoup de suggestions utiles pour une approche avec médiation : • Laisser les gens définir leurs destinées en communauté en transposant les demandes sociales actuelles dans des choix de TIC qui honorent leurs valeurs et leurs croyances ancestrales • Démystifier Internet • Faire prendre conscience des opportunités offertes par les TIC • Créer des contenus « localement inspirés » • Se concentrer sur les graphiques pour les illettrés • Adapter les TIC à la façon de travailler des usagers • Utiliser les langues nationales • Traduire les matériaux disponibles sur d’autres continents • Adapter les outils de formation existants (par exemple sur le site Itrain : http://radio.womensnet.org.za) • Modulariser les formations et les répartir sur une période de temps plus longue pour une meilleure utilisation en situation réelle • Combiner l’utilisation d’Internet avec l’écrit et la radio (voir le site web « noyau d’échanges radio » du South Africa’s Womensnet à http://radio.womensnet.org.za) • Utiliser les listes de discussions pour appuyer l’introduction des TIC • Stimuler l’utilisation active de listes de discussion : envoyer à la liste les questions qui sont publiées sur le site web associé et laisser les participants y répondre • Fournir un suivi au projet/formation • Offrir un support technique en ligne (‘Nos voix sur Internet’ au Sénégal, en l’occurrence, fournit un guide étapes par étapes pour les débutants à télécharger, la décompression de fichiers tels que Winzip et l’installation de logiciels) Ibra Sene souligne que « il n'est pas obligatoire que [les groupes cible] sachent toutes et tout de suite envoyer un e-mail, faire des recherches dans un annuaire ou avec quelque moteur de recherche, etc. » Plusieurs participants insistent sur le fait que nous avons besoin de prendre le temps plutôt que d’attendre des résultats fabuleux immédiatement. « Une des conditions d'avancement vers l’idéal des "TIC pour tous" serait peut-être d'imposer (ou de créer de manière indépendante) de nouveaux critères de réussite et des mécanismes pour promouvoir pour un Internet non spectaculaire. » déclare Marie Thorndahl (Suisse). En dehors des suggestions ayant trait à la médiation, les participants conseillent de : • Construire des visions NTIC qui transcendent l’approche sectorielle, en recherchant plutôt l’intérêt des populations marginalisées • Faciliter l’usage des TIC à l’aide de politiques d’éducation • Utiliser des techniques de lobbying en anticipant les oppositions • Réanalyser le financement des projets d’un point de vue information/communication, afin d’intégrer une ligne budgétaire correspondante • Éveiller les organisations au fait que l’informatique doit être considérée comme une nouvelle forme de travail • Créer un lieu où les personnes travaillant dans le secteur des TIC puissent se rencontrer et échanger des informations • Encourager des échanges entre ceux qui s’intéressent aux TIC et au développement et les chercheurs concernés • Recentrer l'intérêt des ONG et des bailleurs de fonds sur les initiatives enracinées dans le monde rural Françoise Feugas (France) met au défi les organisations donatrices de financer les projets de communication sans prévisions de résultats, afin de maintenir ouvert le domaine d’application et de compter sur la forte créativité du peuple africain. « Pourquoi [les TIC] devraient-elles n'être utilisées que "pour le développement ?" Se pose-t-on la question en ces termes ailleurs ? » Participation et prise de décisions au sein de la coopération Nord-Sud Ceci nous amène au deuxième thème du débat, qui se concentre sur les partenariats Nord-Sud pour introduire les TIC en Afrique. Est-il possible, à l’aide de nouvelles approches – comme des partenariats société civile/secteur privé ou embaucher des ressources locales plutôt que des expatriés – de créer des possibilités de participation à l’introduction des TIC et aux processus de décisions, pour des acteurs préalablement exclus ? Ou la dépendance envers les acteurs du Nord est-elle inévitable pour le transfert des TIC ? Quelques idées présentées par les participants sont : • Les TIC devraient d’abord être utilisées pour améliorer la coopération internationale : implication de tous les partenaires ; diversification du réseau de partenaires ; mise en place de nouvelles procédures de partage de l’information ; équilibrer les effets du travail à long terme sur le terrain et des risques nouveaux par un contact quotidien grâce aux TIC • Se débarrasser du cycle de projet traditionnel du processus pour le développement et le remplacer par une méthodologie qui fonde ses priorités sur les besoins locaux, assume ses responsabilités et donne des résultats bien plus rapides. • Les agences de coopération internationales devraient financer le processus permettant aux Africains de devenir des producteurs/créateurs d’information (« ne pas fournir une tribune, mais faciliter sa construction progressive ») • Les bailleurs de fonds doivent envisager l’application des TIC non pas comme une question sectorielle mais comme un facteur de développement à inclure à tous les niveaux (à l’instar des politiques de genre) • Promouvoir une vision des TIC comme un système technologique intégré à d’autres réseaux (énergie, transports,…) • Donner de la visibilité aux solutions TIC efficaces afin de mobiliser les gens de bonne volonté du Nord • Mobiliser les Africains qui vivent dans le Nord en tant que médiateurs • Le Nord doit canaliser des ressources significatives dans le développement de la transparence, la responsabilité, l’intégrité, etc. dans le Sud • Utiliser les TIC pour construire une masse critique qui réponde aux questions de gouvernance dans le Sud • Encourager le rôle de la société civile en Afrique afin qu’elle défende les questions concernant les TIC • Que la société civile soit représentée au niveau décisionnel des politiques TIC Alors que bien des suggestions pointent des actions devant être accomplies au Nord, plusieurs participants poussent les acteurs du Sud à ne pas attendre et à prendre leurs responsabilités. Ils peuvent déjà s’organiser eux-mêmes et montrer plus de transparence dans leurs institutions. Quatre obstacles majeurs à l’introduction des TIC sont revenus dans le débat : 1. le rôle des États africains, par exemple, pour ralentir la libéralisation des télécommunications ; 2. le peu de marge de manoeuvre des pays africains en raison des conditions fixées par les bailleurs du Nord ; 3. la non rentabilité du raccordement des zones rurales au téléphone et à Internet ; 4. et l’absence ou l’état de la téléphonie dans de grandes parties de l’Afrique « Pourquoi est ce que les institutions du Nord souhaitant aider l'Afrique dans le secteur NTIC (notamment la francophonie) ne financent elles pas les infrastructures téléphoniques dans les pays africains. Ce serait à mon avis une façon de saisir le problème a la racine, non ? » demande Hervé Houndeton du Bénin. Du même pays, Pierre Dandjinou représentant le PNUD, croit que les États africains doivent d’abord définir des stratégies concernant les infrastructures avant qu’un donateur ne finance son expansion/mise à niveau. D’autres participants discutent la suggestion de Bruno Jaffre (France), de faire payer une « taxe Tobin » sur les transactions de communication afin de financer des connections dans tous les villages de l’Afrique. Certains participants présentent des solutions techniques au problème d’infrastructures, comme l’utilisation de satellites. Les bailleurs pourraient aussi financer l’implémentation d’interfaces IP/RTCS pour connecter les vieux systèmes de téléphone avec Internet, selon le Togolais Bertin Abiassi. Les contenus et les flux d'information Parfaite transition pour le thème suivant du débat, Peter Burgess des USA écrit : « Internet apportera de la valeur socio-économique si la valeur engendrée par son utilisation dépasse les coûts… Une façon d’atteindre ce but est qu’il y ait des flux de contenus du Sud vers le Nord et que nous du Nord puissions avoir une meilleure compréhension des besoins du Sud et y répondre efficacement. » Ce nouveau thème traite du problème de l’impact des NTIC sur les flux déséquilibrés d’information et de communication : en grande majorité du Nord vers le Sud et des « têtes de projet » jusqu’aux bénéficiaires. Malele Dodia de Zambie illustre cette situation avec le processus de vote de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) : « La plupart des participants étaient originaires d’Asie/Pacifique, un bon nombre d’Europe, presque moitié moins d’Amérique du Nord puis quelques uns d’Amérique latine et presque pas d’Afrique. » Mais Pierre Dandjinou du Bénin écrit : « Cependant, il faut ajouter le fait que le mode de vote - inscription et vote en ligne - en a été pour beaucoup dans la faible participation [africaine]. Sur les quelques 780 Africains inscrits (sur 153.000 au niveau mondial), seuls 321 ont "activé" leur compte, sur 76504 au niveau mondial, et seulement 121 ont voté !!! […] Problème de langue assurément, mais aussi problème de "timidité".... » Buhle Mbambo du Botswana redirige le débat : « Il y a eu des protestations selon lesquelles l’Afrique est exclue de la super autoroute – Mon soi cynique répond : ‘Si le rôle de l’Afrique dans ce projet est de consommer le contenu produit par d’autres sur cette super autoroute, alors laissons la passer.’ L’Internet est un outil et pas une fin en soi. Notre perspective devrait être : comment pouvons-nous utiliser cet outil pour communiquer notre information ? Quels aspects de notre propre information devrions nous y publier ? En le voyant comme un outil, nous pouvons commencer à en exploiter des aspects qui peuvent être combinés à d’autres technologies pour en faire des outils de développement ou d’apprentissage ou tout autre outil que nous choisissons d’en faire. » Plusieurs suggestions ont été proposées pour élaborer sur cette idée : • Concentrer beaucoup d’énergie sur la production de contenus • Développer des sites virtuels attractifs qui reflètent les vies des femmes et hommes africains • Utiliser des possibilités de l’Internet – comme la voix combinée à la technologie des écrans tactiles – pour améliorer l’accès à l’information de ceux qui en ont besoin • S’approprier les TIC pour promouvoir et valoriser les savoir-faire endogènes (à la fois culturels et technologiques) • Combler le fossé entre les ONG et leurs membres en appliquant le modèle du professeur à la retraite qui lit et parfois écrit des lettres personnelles pour ses voisins moins éduqués du village • Exploiter les meilleurs communicateurs africains (journalistes entraînés, infirmières, professeurs et gens d’affaires locaux) pour articuler les besoins et les capacités des pauvres • Faire des répertoires de solutions TIC réussies Des exemples concrets sont l’initiative DEVENET du RIFOD au Burkina Faso, qui offre des solutions de communication locale en gestion de l’agriculture et des ressources naturelles, et l’éducation en ligne de l’Université du Botswana. Mbambo ajoute : « En ce qui concerne le contenu, qu’il soit local ou externe est relatif – selon comment vous voulez que cette information soit traitée. » Warruhiu offre une stratégie pour avoir le meilleur des deux mondes : « Penser africain, collaborer avec le Nord pour trans…..AGIR Africain et former des Communautés de Communication. Plus tard trans-FORMER les communautés en Sociétés de l’Information. Les mots-clés sont : Collaborer, Communiquer, Informer. » Tout au long du débat, les participants ont réclamé un code éthique de communication. En réaction à un de ces codes, la People's Communication Charter (PCC, http://www.pccharter.net), Senyo Adjibolosoo (U.S.A.) pense qu’on ne devrait pas se concentrer sur une charte de plus qui ne répond pas à nos attentes : « Nous devons travailler pour aider les leaders dans les pays en développement à développer leur caractérisTIC [de Facteur Humain] (c-à-d intégrité, responsabilité, transparence, honnêteté, engagement, etc.) grâce à un nouveau programme d’éducation qui mette l’accent sur le développement humain. » La pérennité des projets TIC Dorothy Okello envoie un article de son pays l’Ouganda pour démarrer la discussion sur la pérennité. L’article, à propos de la « Stratégie pour développer une politique nationale de l’information et de la communication » ougandaise, rapporte que « d’ici 2010 tous les élèves des écoles primaires et secondaires doivent avoir accès à l’Internet, chaque Ougandais doit avoir une adresse e-mail électronique, et les formulaires gouvernementaux doivent être disponibles sur le Web. […] En l’an 2015 tous les Ougandais de plus de 13 ans seront formés aux technologies de communication et de l’informatique. » Les participants d’AFTIDEV ont réagi en abordant deux aspects de la pérennité : la formation et le financement. Pour Elisabeth Piotelat (France) il est nécessaire que les gens apprennent d’abord à lire, écrire, compter, raisonner, créer, etc. avant de se lancer dans les TIC. « L’enseignement classique » doit rester une priorité. Pierre Dovonou du Bénin est en désaccord : « ... il y a des étapes qu’il faut escamoter si l'environnement social l'impose. [...] Mais s'il faut attendre que [les gens en Afrique] finissent d'apprendre à lire, à calculer dans d'autres langues, d'autres technologies auront déjà fait leur apparition et cela va devenir encore complique. La meilleure politique dans ce cas est celle de la tortue de mer. Aussitôt après l'éclosion des oeufs sur la rive, il n'y a pas une minute a perdre, tout le monde a l'eau. Savoir nager ou pas, tout le monde a l'eau quand même. » Les participants ont proposé les suggestions suivantes pour la formation aux TIC : • Re-former le personnel qualifié et mises-à-jour • Former les créateurs de contenu pour apprendre d’une manière assez autodidacte • Alphabétiser les personnes dans leur propre langue et mettre au point des applications et des logiciels pour permettre à leurs partenaires de les comprendre • La formation aux TIC devrait s’orienter vers l’aide aux gens pour accomplir des opérations assez simples Raphaël Ntambue-Tshimbulu de Belgique perçoit la pérennité des projets TIC en Afrique comme une combinaison maîtrise sociale, d’impact sur la population, et de viabilité – si applicable, après financement étranger. Il demande pourquoi les ONG africaines devraient être autonomes financièrement quand les organisations à but non lucratif dans le Nord sont d’habitude largement subventionnées. À la place de mélanger des initiatives TIC sociales avec des projets commerciaux néo-libéraux, Ntambue propose de redéfinir le concept de pérennité dans le contexte africain : « ... un projet durable devra être conçu comme celui qui a augmenté l'expérience et la capacité de ses gestionnaires locaux et de ses bénéficiaires à mieux initier ou gérer d'autres projets […]. » Ce concept de renforcement des capacités humaines devrait remplacer l’accent mis sur l’autonomie financière que plusieurs participants considèrent impossible à atteindre pour les organisations à but non lucratif. Ken Lohento du Bénin, par exemple, dit que la production de revenus avec des activités TIC peut contredire les politiques des ONG pour atteindre des groupes sans revenu substantiel. Il revendique de surcroît que la sensibilisation pour engendrer des activités ne peut pas être rentable. Son compatriote Léonce Sessou, au nom du Benin’s Communities Teleservices Network/Bénin Community Networking Services (http://www.songhai.org), est en désaccord : « pour une pérennité les centres d’accès communautaires ou autre initiative seront considérés à la fois comme des Learning centers et business centers ; c’est-à-dire qu’on donnerait une valeur économique aux activités tout en les inscrivant dans le cadre d’un développement communautaire avec au départ une vision claire, des objectifs précis et des stratégies concrètes selon l’environnement dans lequel on se situe. » Sessou propose une culture d’entreprise, un plan de travail dynamique sur trois à cinq ans, une comptabilité solide et des analyses sur une base mensuelle. Les participants ont suggéré d’autres idées pour atteindre la durabilité financière : • Financement d’activités par le secteur privé en plus du financement public • Financement de projets TIC par les gouvernements Africains (en particulier ceux des ONG) • Fonds public pour l’accès à Internet afin d’en faire une alternative « moins chère qu’un coup de fil » • Publicité/génération de revenus à partir de bulletins électroniques • Collaboration entre ONG et entreprises privées • Levées de fonds locales pour financer des projets locaux • Adapter/offrir des services TIC basés sur la satisfaction des usagers • Utiliser Internet pour retracer les ressources de donateurs alloués à un projet en Afrique • « Clarifier et nettoyer la corruption endémique » en Afrique Burgess présente le business model d’AfriFund (http://www.profitinafrica.com) comme une alternative aux projets de développement/TIC non durables. Il combine petites et moyennes entreprises, à but lucratif et non lucratif, se concentrant sur les priorités de la communauté et la création de valeur économique. Se fondant sur l’expérience du CSDPTT au Burkina Faso et au Mali (http://www.globenet.org/csdptt), le Français Bruno Jaffre pense que les questions en jeu doivent être abordées globalement et à un haut niveau : « Le développement technique local ne peut se faire que dans un contexte favorable pour tous les acteurs. » Il insiste sur la notion de mobilisation des moyens plutôt que le renforcement des moyens : « Les ONG du Nord doivent se poser en permanence les questions suivantes : Ce que je fais ici dans ce pays du sud, moi qui viens du nord ne peut-il pas être fait par quelqu'un du Sud? Nous la posons-nous toujours vraiment et jusqu'au bout quel qu’en soient les conséquences? Les ONG du sud doivent se poser en permanence la question suivante : ce que je demande à mes amis du Nord de faire en puis-je vraiment pas le faire moi-même? » Les organisations bénéficiaires et le contexte local En restant au niveau de l’organisation, le forum a déclenché une discussion sur ce qu’une organisation bénéficiaire peut faire pour transformer l’introduction des TIC en succès. Nous demandions aussi des expériences concernant la gestion par les organisations de questions contextuelles comme les restrictions politiques et les barrières économiques. Jacques-André Eberhard de Suisse partage ses expériences en cours avec le Centre de Liaison et d'Appui des Artisans du Cameroun (CLAAC-Gie). Plus qu’un simple site web pour vendre des produits artisanaux, le projet a pour but de créer une « culture de qualité » (de produit), en reliant toutes les entreprises et les réseaux d’artisans locaux afin de construire une communauté autour du marché local virtuel. « Vendre sur le réseau n'est pas seulement mettre la photo de son produit sur une page Web. C'est aussi être prêt a dialoguer avec son client et être capable de produire en qualité, en temps, en quantité et selon les spécifications désirées. [...] Les producteurs, artisans, groupements, doivent se " sentir " sur le web. Il est nécessaire de créer un lien entre eux et la présentation de leur produits en ligne. L'initiative de PEOPLink d'engager des animateurs et de faciliter la gestion du site en créant une base de données est la voie à explorer. [...] Chargés de passer d'artisan en artisan, ils doivent expliquer l'action en cours et constituer un lien bien réel vers le virtuel. Équipé d'un appareil photo et avec des connaissances de base en HTML, ces animateurs peuvent mettre à jour les pages du site. » Bien que plusieurs questions soulevées par les participants soient au delà de l’influence d’une seule organisation – par exemple la détermination politique de construire un « environnement de e-commerce » viable – il y a des éléments que les organisations peuvent anticiper : • Changer les rapports (de force) au sein de l’organisation • Réviser la structure de l’organisation et en informer les employés • Changer de culture d’entreprise : apprendre à utiliser les outils doit s’accompagner de discussions sur le pouvoir qu’ils ont • Former aux défis de gestion engendrés par l’introduction des TIC ; avec un appui par des spécialistes de l’informatique et des sciences sociales • Un plan de formation pour l’introduction des TIC qui tienne compte du long terme, ce qui est nécessaire pour un changement de mentalité • Une augmentation temporaire des dépenses à cause de l’introduction des TIC et de l’utilisation de systèmes doubles • Allouer à tous un budget global pour une tâche, plutôt que d’interdire des e-mails personnels, etc. • Prévoir du temps pour les activités de suivi • Plutôt que parler de l’aspect égalitaire des TIC, anticiper et débusquer les exclusions • Mettre les TIC au service des entreprises, et non pas au service du pouvoir • Considérer un site web comme un outil de travail, aussi bien à l’interne qu’à l’externe Denis Pansu (France) et Ntambue-Tshimbulu soulignent que ces questions ne sont pas restreintes à l’environnement Africain : Les expériences en Occident sont comparables. À la différence près qu’en Afrique les employés ordinaires n’ont souvent pas accès aux ordinateurs. Jean-Charles de Longueville de Belgique écrit : « Dans le cadre du projet SICOT Télédiagnostic (http://telediag.sicot.org/), nous avons déjà déployé des stations a Casablanca, Dakar, Kinshasa et Lahore. Casa fonctionne a mi-vitesse. Le patron ne laisse que sa secrétaire personnelle utiliser le matériel. Heureusement elle est de très bonne volonté et fait 'tourner la boutique'. Dakar est à l’arrêt. Le patron refuse que quiconque d'autre que lui n'utilise la machine. Surtout pas son jeune assistant motivé et ouvert aux NTIC. Malheureusement le patron est surchargé et n'a pas le temps d'apprendre à utiliser le matériel. [...] A Lahore, le patron est débordé. Il a donc exigé que _tous_ les membres de son équipe (y compris le balayeur!) assistent aux séances de formation. Que tous les utilisateurs suivent en outre une formation individuelle. Il a accepté que le pouvoir qu'est l'information ne soit plus lié à sa détention mais à son brassage. La nuit de dimanche il a enfin trouvé le temps de suivre une formation individuelle a son tour. Il est rassuré, après mon départ, son équipe lui servira de support. Ce centre tourne à plein. » Burgess remarque comme une caractéristique typique de la « communauté officielle de développement » le « manque apparent d'intérêt dans la comptabilité et la dimension financière des données, informations et connaissances du développement. » Il suggère un « mariage d'Internet et du web avec une base de données relationnelle bien conçue [ce qui] a le potentiel de faire de la responsabilité et de la transparence la norme plutôt que l'exception dans le développement. » Eberhard conclut que les Africains devraient concrétiser maintenant les promesses des TIC : '[…] une opportunité est comme un fruit, elle ne va pas rester sur l'arbre. Une autre personne va la cueillir ou elle se perdra et pourrira. […] Si [les Africains marginalisés] n'ont rien perdu, le fait de ne pas participer à un "progrès" les fait reculer. Évaluer le développement dans les transferts de TIC Il y a peu de recherches connues au sujet des véritables effets des TIC sur le développement. Dans la discussion finale, nous demandons aux participants de partager des méthodes d'évaluation applicables pour le transfert des TIC vers l’Afrique. Ntambue-Tshimbulu pointe les nombreux témoignages qui sont déjà disponibles sur l'Internet. Ceux-ci comprennent généralement des déclarations sur la valeur ajoutée obtenue par des individus. Un exemple est l'évaluation préliminaire du centre de télétraitement Nakaseke en Ouganda (http://www.nakaseke.or.ug). Le Français Michel Elie suggère d'utiliser les exemples des autres continents en développement comme des expériences dont on peut s’inspirer, plutôt qu’en faire des modèles de transfert rigides. L’approche du « témoignage » ne donne pas de résultats économiques ni d’évaluation de la gestion, comme plusieurs participants ont déclaré précédemment. Au lieu de défendre une méthode plutôt qu’une autre, Samba Mamadou du Sénégal propose d’ouvrir la discussion : « Dans nos pays, le nombre d'usagers est encore trop faible pour que cela puisse avoir des impacts sur le développement global. Cependant, il peut y avoir quelques indicateurs (de connaissance, d'opinion, de comportement) visibles au plan individuel chez tel ou tel usager. L’étudiant par exemple peut trouver Internet, a l'image d'une bibliothèque, comme " un complément indispensable de l’école et de l’université " de telle sorte que cela ait un impact positif sur ses résultats scolaires ou universitaires. De même, le commerçant ou l'artiste peut y trouver son compte. Ce résultat peut être visible a court et moyen terme. Pour le long terme, c'est encore plus difficile. Et sur ce point, je pense absolument, dans nos pays respectifs, à la mise en place de comité de sages, une équipe pluridisciplinaire composée par exemple de sociologues, d'historiens, de philosophes, de technocrates, de journalistes, de juristes, etc. pour faire de la prospective sur évidemment la question de l'informatisation de nos sociétés. […] Un rapport établi par des experts avisés à partir des données et des tendances actuelles, même si il y aura une marge d'erreur due à l'incertitude du futur, serait d'une très grande utilité. Cela pourra servir de code de conduite aux divers usagers. » Ntambue-Tshimbulu place certains critères d'évaluation avant la rentabilité financière : l'effet de la multiplication ; à quel point les TIC favorisent l'amélioration des connaissances des gens, de leurs habitudes et de leurs façons de penser ; et la participation locale dans la conception des outils des TIC et dans la définition des problèmes à résoudre. Il propose aussi de compléter l'évaluation immédiate avec une évaluation après plusieurs années. Olivier Barlet de France désigne les relations Nord-Sud durant le transfert des TIC, qui devraient faire partie de l'évaluation continue : « L'intégrité des partenaires ne s'invente pas : elle est un élément indispensable à toute collaboration Nord-Sud et ne va pas sans une réflexion permanente sur les objectifs et la pratique soutenue par de régulières rencontres (éventuellement virtuelles) permettant échanges de vue et corrections. - Même si l'égalité est une notion dérisoire dans le rapport Nord-Sud, elle reste un objectif utopique. Au niveau des technologies, on peut essayer de s'en rapprocher par un échange permanent de compétences nourri des réflexions sur les contenus et la remise en cause des hégémonies culturelles. - La répartition géographique des tâches nous apparaît [à Africultures] comme la plus à même de restaurer les rapports égalitaires recherchés et éviter que le Nord se substitue sempiternellement au Sud, y compris en terme d'appropriation des bénéfices. Un transfert de technologie est nécessaire pour combler les écarts. Dans le cas de la photothèque, Africultures est ainsi prête à soutenir les organisations ou associations de photographes du Sud en transférant sans contrepartie la technologie mise au point à condition de rester dans la logique d'une offre commune en partenariat sur la toile mondiale. » La manière dont Africultures (http://www.africultures.com) approche le sujet est d’accorder des pourcentages contractuels au créateur de contenu dans le Sud et à l'opérateur technique dans le Nord, avec un contrôle permanent des résultats sur l'Internet. Au niveau local, Dodia présente l'exemple du journal en ligne Information Dispatch (http://www.dispatch.co.zm) qui inclut les utilisateurs dans l’évaluation de projets TIC : « Leurs correspondants rassemblent les données, informent les lecteurs via l’Internet, sont organisés au sein de cette petite entreprise et jouissent d’un retour permanent sur la qualité de leur information. A la suite de tout article publié, les lecteurs ont la possibilité d’envoyer leurs réactions à l’article - du retour permanent - l’ingrédient de l’utilisateur qui manque souvent dans les projets de développement. » |
LA METHODOLOGIE DU DÉBAT AFTIDEV
© copyright 2024 Ellen Kole & L'observatoire des Usages de l'Internet
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